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la bataille des trente

tassés dans leur moncel comme dans une forteresse, sont beaucoup moins exposés aux coups et se fatiguent bien moins que les Bretons, les Anglais voyant leurs adversaires découragés, abattus, réduits de moitié, fondront sur eux tout à coup et les mettront en déroute.

Beaumanoir envisageait d’un œil morne cette triste perspective, quand il voit à l’improviste un de ses compagnons quitter le combat et encore un des plus braves, Guillaume de Montauban ! Le chef lui crie indigné :

— … « Amy Guillaume, qu’est-ce que vous pensez ?
Comme faux et mauvais courant vous en allez !
À vous et à vos hoirs vous sera reprouchiez. » —
Quand Guillaume l’entend, an ris en a jetté.

Il ne se contente pas de rire ce fuyard Guillaume, il répond :

Besoingnez, Beaumanoir, franc chevalier membrez[1],
Car bien besoingnerai, ce sont tous mes pensés,

Ainsi parlant, il saute sur le dos de son cheval, le presse de l’éperon avec tant de vigueur

Que le sanc tout vermeil en chaït sur le pré[2],


et le précipite sur le terrible rempart des piques anglaises, pendant que lui-même frappe sur les Anglais à grands coups de lance. Manœuvre des plus téméraires, dans laquelle, si on l’eût tentée au commencement de la bataille contre des adversaires en possession de toutes leurs forces, cheval et cavalier auraient infailliblement péri, percés et transpercés. Contre des ennemis affaiblis par la fatigue d’une longue et terrible lutte, c’était encore un coup de folle bravoure, qui avait une chance sur cent de réussir.

Il réussit.

Montauban et son vaillant coursier, traversant une première fois le bataillon anglais, renversent sept ennemis, puis revenant sur leur

  1. Renommé, illustre,
  2. En jaillit sur le pré. — Ce vers et les six précédents sont pris dans la laisse : 36, Crapelet, p. 32-33.