Page:La Boétie - Œuvres complètes Bonnefon 1892.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nom, ce Contr’un dont les accents éloquents ont traversé les siècles et sont arrivés jusqu’à nous. Plus loin, nous examinerons à loisir quelles en furent les origines et les conséquences, dans la pensée de son auteur. Maintenant il nous suffit de le placer à sa date, dans l’existence de celui qui l’avait conçu.

Par son zèle studieux ou ses délicats passe-temps, Estienne de La Boétie acquérait une légitime réputation de conscience et d’érudition, et ses précoces mérites lui ouvraient, avant l’âge, les portes du Parlement de Bordeaux. Le 20 janvier 1553, le roi Henri II autorisait par lettres-patentes Guillaume de Lur, conseiller au Parlement de Bordeaux[1], celui-là même qui est nommé dans la Servitude volontaire[2], à résigner son état et office de conseiller en ladite cour, au profit de Maître Estienne de La Boétie, avocat au Parlement[3]. À cette date, le futur conseiller avait seulement vingt-deux ans et quelques mois, et l’âge requis par les ordonnances pour tenir les offices de judicature était de vingt-cinq ans. Aussi, quand, le 13 octobre suivant, — quelques jours seulement après la délivrance du diplôme de licencié, — le roi envoyait de Villers-Cotterets de nouvelles lettres-patentes pour pourvoir « son almé et féal Maître Estienne de La Boétie de l’office de conseiller en la cour par la résignation de Maître Guillaume de Lur », il y

  1. Guillaume de Lur de Longa, conseiller lag au Parlement de Bordeaux depuis 1528, était un fervent ami des lettres. On le trouve mentionné dans De Lurbe (De illustribus Aauitaniœ viris, p. 101), qui en fait un émule du docte Briand de Vallée, l’ami de Rabelais et conseiller lui aussi à Bordeaux. Buchanan lui adresse une charmante pièce d’hendécasyllabes (édit. de 1628, p. 314), Jules-César Scaliger une lettre flatteuse (Épist., 132), et enfin, Robert Britannus, professeur au Collège de Guyenne et plus tard à Toulouse, lui dédie le livre de ses poésies latines (Toulouse, 1536). — En quittant le Parlement de Bordeaux, Guillaume de Lur entra à celui de Paris. D’après le Catalogue de tous les conseillers du Parlement de Paris de Blanchard (p. 74), il fut reçu le 4 juin 1554, et mourut en 1557. Par lettres-patentes du roi, Guillaume de Lur avait été autorisé à garder les entrées aux séances de la Cour de Bordeaux, malgré la cession de son office à La Boétie ; toutefois il ne pouvait « y avoir opinion ». (Chronique de Jean de Métivier, t. II, p. 64.)
  2. Sous le nom de Longa, ainsi qu’on le désignait alors assez communément, notamment dans les registres secrets du Parlement. « Le 29 mai 1528, y lit-on, M. Me Raimond, autrement Guillaume de Lur, dit de Longa, a esté reçeu audit office de conseiller de feu M. Me François Bonnal, » décédé le 24 mars précédent. (Jean de Métivier, Chronique du Parlement de Bordeaux, t. I, p. 272.) — Le Dr Payen s’est donc mépris en croyant que ce devait être Bertrand de Larmandie, quatrième du nom, baron de Longa ou Longua (château situé dans la commune de Sainte-Foy-de-Longa, arrondissement de Bergerac), contemporain, il est vrai, de La Boétie, mais qui ne semble pas avoir eu de re ations avec lui. Au contraire, la maison noble de Longa dont il s’agit est située dans la commune de Saint-Médard, canton de Mussidan, arrondissement de Ribérac. (Vicomte de Gourgues, Dictionnaire topographique du département de la Dordogne, verbo Longa, et aussi Archives historiques du département de la Gironde, t. XXIII, p. 266.) — Le mérite de cette ingénieuse identification appartient à M. R. Dezeimeris, qui l’a signalée ans son discours déjà cité sur la Renaissance des lettres à Bordeaux au XVIe siècle, p. 272.
  3. Archives départementales de la Gironde, Registres du Parlement, vol. 34, folio 180. — Ces lettres sont mentionnées dans l’ouvrage de M. Théophile Malvezin sur Michel de Montaigne, son origine et sa famille (Bordeaux, 1875, in-8o), p. 272.