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leuse. Pars donc avec ton navire et tes compagnons. Si toutefois tu désires voyager par terre, voici un char et des coursiers ; voici encore mes fils qui te serviront de guides jusque dans la divine Lacédémone, où règne le blond Ménélas. Prie ce héros pour qu'il te dise la vérité; mais il ne te mentira pas : c'est un homme plein de prudence. »

Ainsi parlait Nestor. Le soleil se couche, et bientôt surviennent les ténèbres. Minerve, la déesse aux yeux d'azur, prend la parole et dit :


« Vieillard, tu viens de parler avec sagesse. — Maintenant coupez les langues des victimes, mêlez le vin dans les cratères, offrez des libations en l'honneur de Neptune et des autres immortels ; puis goûtons les douceurs du sommeil, car l'instant du repos est arrivé. Déjà la lumière est descendue dans l'ombre ; et il ne convient pas de rester plus longtemps assis au repas des dieux : il faut partir. »

La fille de Jupiter s'arrête, et tous obéissent à ses paroles. Des hérauts versent de l'eau pure sur les mains des assistants ; des adolescents couronnent les cratères de vin, les portent à leurs lèvres[1], et les offrent à tous les convives. On brûle ensuite les langues, on se lève et l'on fait les libations. Quand ces sacrifices sont accomplis, et que l'on a bu selon les désirs de son cœur, Minerve et le jeune Télémaque, semblable à un dieu, se lèvent précipitamment pour s'en retourner sur leur creux navire ; mais Nestor les retient en leur adressant ces paroles:


Le prudent Télémaque lui répond aussitôt :

« Que Jupiter et les autres dieux immortels me gardent de vous laisser aller vers votre vaisseau rapide, comme si je ne pos-

  1. ἐπαρξάμενοι δεπάεσσι (vers 340) dit Homère. Ce passage difficile a été compris diversement par les traducteurs. Madame Dacier et Bitaubé le passent sous silence ; Dugas-Montbel dit : en commençant par la droite ; Clarke et Dubner le traduisent par auspicantes poculis ; et Voss écrit : theilten rechts herum die volgegossenen Becher (coupes toujours remplies en commençant par la droite). Ce qui nous porte à le traduire comme nous l'avons fait plus haut, c'est que, selon MM. Theil et Hallez-d'Arros (Dict. des Homèrides), ἔπι exprime le rapport de ἄρχεσθαι à δεπάεσσι, et que la phrase ainsi conçue signifie littéralement : commencer à chaque coupe, y boire le premier ; de là est venue sans doute la signification de déguster.