Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/71

Cette page n’a pas encore été corrigée

Égisthe ? car il a fait périr un guerrier supérieur à lui. Ménélas n'était donc point dans Argos ? il errait donc parmi des peuples étrangers, pour avoir été frappé aussi témérairement par son assassin ?  »

Le chevalier Nestor, de Gérénie, lui répond :



« Mon fils, je te dirai toute la vérité. Ces choses se passèrent en effet selon tes pensées. Certes, si le blond Ménélas, à son retour de Troie, eût trouvé, dans le palais d'Atride, Égisthe vivant, on n'aurait jamais accordé à ce traître quelque peu de terre pour sa sépulture ; mais les chiens et les vautours eussent dévoré son corps étendu dans des plaines loin d'Argos, et les femmes des Grecs ne l'eussent point pleuré ; car il a commis le plus grand des forfaits ! — Tandis que sur les rivages troyens nous livrions de nombreux combats, Égisthe, tranquille au sein d'Argos où paissent les coursiers[1] , séduisait par de douces causeries l'épouse d'Agamemnon. La noble Clytemnestre désapprouva d'abord cette indigne action ; car elle avait l'esprit juste et droit. Près d'elle se tenait un chanteur auquel Atride, en partant pour Ilion, avait recommandé de veiller sur son épouse. Mais, la destinée des dieux ayant arrêté que cette femme serait dominée, Égisthe transporta le chanteur dans une île déserte pour qu'il devînt la proie des oiseaux ; puis, d'accord avec Clytemnestre, il la conduisit dans sa demeure. Là, il brûla sur les saints autels des dieux de nombreuses victimes[2]  ; il suspendit des offrandes, de l'or et de riches tissus, et il fit réussir un si grand projet, ce que son cœur n'avait jamais osé espérer. — Pendant ce temps nous voguions ensemble, loin d'Ilion, Ménélas et moi, unis l'un a l'autre par la plus intime amitié. Lorsque nous abordâmes à Sunium, promontoire sacré des Athéniens, le brillant Apollon, s'avançant vers le pilote de Ménélas, le perça mortellement de ses flèches rapides. Ce malheureux tenait entre ses mains le gouvernail du vaisseau qui courait sur les ondes : il s'appelait Phrontis, était fils d'Onetor, et le plus habile

  1. Ἄργεος ἱπποβότοιο (vers 263) que Dubner traduit par Argi eguos-pascentis. Madame Dacier dit : le Péloponèse ; Bitaubé : la guerrière Argos ; et Dugas-Montbel : la fertile Argos.
  2. Il y a dans le texte πολλὰ μηρί᾽ ἔκηε (vers 273) il brûla de nombreuses cuisses (de victimes).