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rurent avec leurs navires la mer obscure pour chercher du butin, ou qu'ils combattirent autour de la grande ville du roi Priam. C'est là que furent immolés les plus braves des héros ; c'est là que gisent Ajax aussi vaillant que Mars, Achille, et Patrocle, semblable aux dieux par la sagesse de ses conseils ; c'est là aussi que repose mon fils bien-aimé, à la fois irréprochable et fort, Antiloque, toujours le premier à la course et dans les combats. Nous éprouvâmes beaucoup d'autres malheurs encore ! Qui parmi les faibles mortels pourrait les énumérer tous ? Quand tu m'interrogerais pendant cinq ou six années sur les maux qu'ont soufferts les divins Achéens[1], tu regagnerais ta patrie plein d'ennui et de dégoûts ! — Pendant neuf années nous avons accablé de maux les Troyens en les entourant de tous les stratagèmes ; malgré cela, cependant, le fils de Saturne mit à peine un terme à cette guerre. Là aucun de nous n'aurait voulu s'égaler en sagesse au divin Ulysse, parce que ton père, si vraiment tu es son fils, l'emportait de beaucoup sur tous par ses ruses diverses. Mais, en te contemplant, je suis frappé d'admiration : toutes tes paroles sont semblables aux siennes, et l'on ne croirait pas qu'un homme si jeune pût avoir un langage conforme à celui de ce héros. Durant le siège, jamais Ulysse et moi n'avons eu dans l'assemblée des princes ni dans les conseils des peuples deux avis différents : animés tous deux du même sentiment et guidés par le même esprit, nous proposions toujours avec prudence ce qui devait être le plus avantageux aux Argiens. — Après avoir renversé la ville élevée de Priam, nous regagnâmes nos navires ; mais un dieu dispersa les Achéens : c'est qu'alors Jupiter méditait dans son esprit un triste retour aux Grecs, car tous ils n'étaient pas ni prudents, ni justes ! Beaucoup d'entre les Argiens subirent une fatale destinée à cause de la pernicieuse colère de la fille du puissant Jupiter, Minerve, qui jeta la discorde entre les deux Atrides. — Ceux-ci, sans utilité et contrairement à la coutume, convoquent au coucher du soleil tous les Grecs en assemblée (les fils des Achéens s'y

  1. On lit dans le texte grec : δῖοι Ἀχαιοί (vers 116) Dubner a parfaitement traduit par divini Achivi, et Voss par die edlen Achaier (nobles Achéens).