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« Entends ma voix, ô Neptune, toi qui environnes la terre[1]  ; ne refuse pas à ceux qui t'implorent d'achever leurs travaux ! Avant tout, comble de gloire Nestor et ses enfants; puis, sois favorable à tous les habitants de Pylos en récompense de cette illustre hécatombe. Accorde-nous aussi, à Télémaque et à moi, un prompt retour dans Ithaque, lorsque nous aurons accompli le projet qui nous conduisit en ces lieux sur notre navire sombre ! »

Après avoir ainsi prié, Minerve termine elle-même les libations et remet à Télémaque la superbe double coupe[2] ). Le fils chéri d'Ulysse adresse à Neptune les mêmes vœux. — Quand les viandes sont rôties, on les retire du feu et on les distribue aux convives qui se livrent à un festin splendide. Mais, dès qu'ils ont chassé la faim et la soif, le chevalier Nestor de Gérénie[3] prend la parole et s'exprime ainsi :


« Maintenant que nos hôtes se sont rassasiés par une abon-

  1. Il y a dans le texte grec : Ποσείδαον γαιήοχε (vers 55) ( ô Neptune qui environne la terre), que Clarke et Dübner ont rendu par Neptune terram-continens ; Dugas-Montbel dit tout simplement : puissant Neptune.
  2. Les traducteurs sont partagés au sujet de ce passage. Clarke dit : pulchrum poculum rotundum ; Dübner : pulchrum poculum duplex ; Madame Dacier : double coupe, Bitaubé : coupe arrondie et superbe ; et Dugas-Montbel : la belle coupe arrondie. Nous, nous avons traduit καλὸν δέπας ἀμφικύπελλον (vers 63) par double coupe, et non par coupe à deux anses, comme nous l'avons fait au premier livre de l’Iliade, attendu que les excellents travaux allemands de Buttmann nous ont été d'un grand secours pour résoudre cette question. — Tobias Damm (Novum Lexicon, grœcum, édit. de 1763, in-4o, p. 1268) fait dériver ἀμφικύπελλον de κύππω, et l'explique par : un vase renflé au milieu et rétréci vers les bords (nam άμφἱ rotundilatem amplioris ventris ejus vasis in citcuitu exprimit). Aristarque (Etym. M. ) fait dériver ce mot de κυφός (courbé), et prétend que cette courbure s'applique aux deux anses. S. Patrick (Clams Homerica, édit. de 1738, p. 55), adoptant les deux opi­nions, dit : une coupe à deux anses, ou une coupe aux rebord recourbés en dedans (poculum utringue ansatum, vel labia introrous inflexa habens). Selon Buttmann (Lexilogus, t. i, édit. de 1818, p. 151), le mot ἀμφικύπελλον vient de κύπελλον, diminutif de κυμβη (coupe, ou vase creux). On ne peut, en effet, nier la ressemblance de ce dernier mot avec ses équivalents, en anglais (cup), en allemand (Kubel, Kufe), et en français (cuve, coupe). Ainsi, d'après les savantes explications données par Buttmam, ἀμφικύπελλον, lié au mot δέπας, signifie toujours une double coupe
  3. Voir, pour l'explication de cette épithète, l'Iliade, livre II, notes.