Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/50

Cette page n’a pas encore été corrigée

ne sont pas tous des augures. Certes, Ulysse a péri loin de sa patrie. Plût aux dieux que tu fusses mort avec lui ; car tu ne nous ferais point en ce moment de telles prédictions, et tu n'exciterais pas le courroux de Télémaque, dans le désir, sans doute, de recevoir pour ta famille le présent que le fils de Pénélope voudra bien t'accorder. Mais ce que je vais te dire s'accomplira aussi. Écoute, si, en te servant de ruses anciennes, tu prétends irriter, par tes paroles, ce jeune héros, sa destinée n'en sera que plus funeste (il ne pourra jamais accomplir ses desseins), et nous t'infligerons, à toi vieillard, un châtiment qui ébranlera ton âme et dont la douleur sera cruelle. Je conseille donc à Télémaque d'ordonner à sa mère de se retirer dans la maison paternelle, afin que ses parents concluent son mariage et préparent pour elle une dot très considérable [1], digne d'une fille aussi chérie. C'est alors que les fils des Achéens cesseront leurs persévérantes poursuites ; car ils ne redoutent personne, pas même Télémaque, bien qu'il soit un grand orateur. Vieillard, nous nous inquiétons fort peu des oracles que tu nous annonces vainement et qui ne font que te rendre encore plus odieux. Les biens d'Ulysse seront de nouveaux ravagés, et ce désordre durera tant que Pénélope fatiguera les Grecs en différant son hymen. Quant à nous, passant nos jours dans l'attente, nous lutterons avec elle à cause de sa vertu, et nous ne rechercherons aucune autre femme qu'il conviendrait cependant à chacun de nous de prendre pour épouse. »


Le prudent Télémaque lui répond à son tour :

« Eurymaque et vous tous, nobles prétendants [2], je ne vous supplierai point davantage et je n'interromprai plus l'assemblée : les dieux et tous les Achéens connaissent ma cause. Mais accordez--

  1. Nous avons traduit mot à mot ce passage : καὶ ἀρτυνέουσιν ἔενδα πολλὰ μαλ’, etc., etc. - Selon Nitzch, la dot consistait en une partie des présents de noces.
  2. Dugas-Montbel n'a pas exprimé convenablement la pensée d'Homère, qui est de faire parler Télémaque d'une manière ironique. Ce traducteur rend μνηστῆρες ἀγαυοὶ (illustres, généreux, ou nobles prétendants) par: vous qui prétendez à l'hymen de ma mère. Les traductions latines de Clarke et de Dübner ont été plus exactes en rendant μνηστῆρες ἀγαυοὶ par : proci generosi.