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n’est point seul : deux chiens agiles suivent ses pas. Minerve répand autour de lui une grâce divine, et la foule contemple avec admiration le jeune Télémaque qui s’avance. Il se place sur le siège de son père, et les vieillards se rangent à ses côtés.

Le héros Egyptius parle le premier : il était courbé sous le poids de la vieillesse et il avait acquis une longue expérience. Un fils qu’il chérissait, le vaillant Antiphus, partit jadis sur de creux navires pour accompagner le divin Ulysse vers les rivages d’Ilion, de cette ville féconde en coursiers[1] : ce fut lui que le cruel Cyclope égorgea dans un antre profond et qui servit de dernier repas à ce monstre. Egyptius a encore trois enfants : l’un d’eux, Eurynome, est au nombre des prétendants, et les deux autres cultivent les champs paternels. L’infortuné vieillard ne peut se consoler de la perte de son fils ; cependant, les yeux baignés de larmes, il prononce ces paroles :

« Ithaciens, écoutez ce que je vais dire. Nous n’avons eu ni assemblée, ni conseil depuis que le divin Ulysse s’est embarqué sur ses navires profonds. Qui donc nous a réunis aujourd’hui ? Quelle affaire importante est-il donc survenu soit aux jeunes hommes, soit aux vieillards ? Quelqu’un aurait-il entendu dire que l’armée était de retour, et prétend-il nous faire connaître celui qui a reçu cette nouvelle le premier ? Veut-il enfin nous instruire ou parler de quelque intérêt public ? Je le considère alors comme un homme probe et utile. Puisse Jupiter accomplir favorablement les desseins que son esprit a conçus ! »

Il dit. Le fils chéri d’Ulysse se réjouit de ce présage, et, impatient de haranguer, il ne peut rester plus longtemps assis. Il s’avance au milieu de l’assemblée, prend entre ses mains le sceptre que lui présente Pisenor, héraut fertile en sages conseils, et répond à Egyptius en ces termes :

« Vieillard, il n’est pas loin cet homme (et vous le connaîtrez

  1. Madame Dacier, Bilaubé et Dugus-Montbel ne font aucune manetion de l’épithète εὔπωλος (eupôlos) (qui produit de beau chevaux), qu’Homère donne à la ville de Troie. Clarke et Dübner ont fort bien rendu Ἴλιον εἰς εὔπωλον (Ilion eis eupôlon) par : ad Ilium generosis-equis fecundum.