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mère et ravagent mon palais. Elle n'ose refuser cette odieuse union, et cependant elle ne peut se résoudre à l'accomplir. Tous les prétendants dévorent mon héritage en festins, et bientôt ils me perdront moi-même. »


Minerve-Pallas, émue de compassion, s'écrie :

« Hélas ! combien tu dois gémir sur l'absence d'Ulysse, de ce héros qui, de son bras, frapperait ces prétendants effrontés ! Si maintenant il paraissait, s'arrêtant sous les portiques de son palais, avec son casque, son bouclier et ses deux javelots, tel, enfin, qu'il était, quand, pour la première fois je le vis buvant et se réjouissant dans notre demeure, alors qu'il arrivait d'Ephyre, ayant vu Ilus, fils de Mermeris. Ulysse, sur un navire rapide, était allé chez ce roi lui demander un poison mortel pour imprégner ses flèches ; Ilus refusa, craignant d'offenser les dieux éternels, et ce fut mon père qui le lui donna, tant il chérissait ce héros. Tel qu'Ulysse était alors, que ne paraît-il au milieu des prétendants ! Pour eux tous quelle mort prompte et quelles unions amères ! Mais j'ignore si les dieux qui tiennent nos destinées sur leurs genoux [1] voudront que ce héros revienne ou non pour se venger dans son palais. Maintenant, je t'engage à songer aux moyens de chasser les prétendants de cette demeure. Prête-moi une oreille attentive et recueille avec soin mes paroles : demain, convoque en assemblée les plus illustres des Achéens ; adresse leur à tous des discours en prenant à témoins les dieux, puis, ordonne aux prétendants de retourner dans leurs domaines. Si ta mère désire contracter un nouvel hyménée, qu'elle se rende auprès de son père qui est tout-puissant : ses parents concluront son mariage et lui feront de magnifiques présents, dignes d'une fille aussi tendrement aimée. Je te donnerai encore un prudent conseil, mais sois docile à ma voix : arme un vaisseau garni de vingt rameurs, choisis-le avec soin et cours t'informer de ton père absent depuis si longtemps. Peut-être seras-tu instruit de ces choses par quelque mortel, ou entendras-tu

  1. Ταῦτα θεῶν ἐν γούνατι κεῖται, dit Homère. Samuël Clarke et Dübner ont traduit très exactement ce passage par haec deorum in genibus posita sunt.