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Les fiers prétendants s'avancent et s'asseyent en ordre sur des sièges et sur des trônes [1] ; des hérauts répandent une eau pure sur leurs mains ; des suivantes leur offrent le pain dans des corbeilles, et les convives s'emparent des mets qu'on leur a servis et préparés. Des jeunes gens couronnent les cratères d'un breuvage, et les distribuent en commençant par la droite. Dès qu'ils ont apaisé la faim et la soif, les prétendants ne songent plus qu'à se livrer aux plaisirs du chant et de la danse, ornements obligés des festins. Un héraut remet une superbe lyre entre les mains de Phémius, qui chante malgré lui au milieu des convives : par ses accords il prélude avec grâce et fait entendre des chants harmonieux. Alors Télémaque adresse la parole à Minerve, en se penchant vers la tête de la déesse pour que les assistants ne puissent l'entendre :


« Cher étranger, t'offenseras-tu de mes discours ? Voilà cependant l'unique soin de ces hommes : la lyre et le chant ! Cela leur est facile, à eux qui dévorent impunément les biens d'un héros dont les ossements blanchis se corrompent sans doute par les feux du ciel sur quelque continent, ou sont peut-être roulés par les vagues au fond de la mer ! S'ils le voyaient revenir à Ithaque, comme ils souhaiteraient tous d'être légers à la course plutôt que chargés d'or et de vêtements ! Mais maintenant il a péri victime d'un destin funeste ; pour nous il n'y a plus d'espoir, lors même qu'un habitant de cette terre m'annoncerait qu'il doit revenir ; car le jour du retour est à jamais perdu pour moi ! Cependant, parle avec franchise : qui es-tu ? Quelle est ta nation ? Quelle est la ville qui t'a donné le jour ? Quels sont tes parents ? Dis-moi sur quels navires tu es arrivé, et quels sont les nautoniers qui t'ont conduit à Ithaque, et quelle est leur patrie ? Ce n'est pas à pied que tu es venu sur ces bords ? Dis-moi donc toutes ces choses avec franchise, afin que je les sache bien. Viens-tu ici pour la première fois, ou étranger, es-tu connu de mon père ? Car de nombreux voyageurs sont

  1. Le trône (θρονος) était, selon Athénée, une chaise destinée aux hommes de condition libre. - Le même critique nous apprend que le siège (κλισμός) était disposé de manière à pouvoir se coucher.