Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/269

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un bassin ; puis nous demanderons une rétribution au peuple rassemblé ; car il ne serait pas juste qu'un seul fût chargé de faire toutes ces largesses. »

Le langage d'Alcinoüs plaît aux Phéaciens ; mais comme ils désirent eux-mêmes goûter le repos, ils retournent dans leurs demeures. Le lendemain, dès qu'apparaît la matinale Aurore aux doigts de rose, les Phéaciens vont au navire en portant l'airain qui honore les hommes)[1] ; le puissant Alcinoüs, qui les accompagne, place tous ces présents sous les bancs, afin qu'ils ne gênent pas les nautonniers lorsqu'ils agiteront leurs longues rames ; puis ils se rendent tous au palais du roi pour y préparer le festin.

Alcinoüs immole un bœuf en l'honneur du fils de Saturne, de Jupiter qui commande aux nuages et règne sur tous les dieux. Quand les cuisses sont consumées, les convives prennent un repas délicieux et se livrent à la joie ; le divin chanteur Démodocus, honoré par les peuples, fait entendre au milieu d'eux des sons mélodieux. Mais Ulysse tourne souvent ses regards vers le soleil étincelant et attend son coucher avec une vive impatience ; car depuis longtemps il désire partir. Ainsi, le laboureur désire ardemment le repas du soir lorsque, durant le jour, ses bœufs ont traîné la forte charrue : il voit avec plaisir le soleil se coucher ; car il peut se rendre au festin, et ses genoux sont brisés de fatigue : telle est la joie d'Ulysse lorsqu'il aperçoit le soleil sur son déclin. Ce héros alors adresse la parole aux Phéaciens en se tournant du côté d'Alcinoüs :

« Puissant Alcinoüs, toi le plus illustre de cette île, lorsque tu auras fait les libations, renvoie-moi sans danger dans ma patrie, et toi-même sois heureux. J'ai obtenu tout ce que désirait mon cœur : les préparatifs du départ et des présents magnifiques. Puissent les dieux me les rendre favorables et puisse-je aussi retrouver vivants dans mes demeures mon épouse irréprochable et mes

  1. L'épithète εὐήνωρ (qui honore l'homme), qu'Homère donne à l’airain, n'a été rendue par aucun traducteur français. Madame Dacier passe tout le passage sous silence. Bitaubé dit : dons honorables, et Dugas-Montbel : airain étincelant. Celle épithète n'a été rendue que par les savants Clarke, Dubner et Voss.