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pas ! J'aimerais mieux, simple cultivateur, servir sous, un homme pauvre qui ne posséderait qu'un faible bien, que de régner sur toutes ces ombres ! — Mais parle-moi maintenant de mon vaillant fils, et apprends-moi s'il s'est montré dans les combats aux premiers rangs des guerriers. Dis-moi si tu as entendu parler du vénérable Pelée ; dis-moi si ce héros gouverne encore avec honneur les nombreux Thessaliens, ou bien s'il est méprisé dans Hélas et dans Phthie parce que la vieillesse a affaibli ses membres. Je ne suis plus sur la terre pour le défendre comme autrefois lorsque j'immolais dans la vaste cité d'Ilion tout un peuple de guerriers en combattant pour les Argiens. Si, vivant encore, je rentrais dans le palais de mon père, oh ! alors je montrerais tout mon courage, et je ferais sentir la force de mes bras invincibles à tous ceux qui outragent le vénérable Pelée ou refusent de lui rendre les honneurs dus à son rang ! »

» Je réplique à ces paroles en disant :

« Je n'ai rien entendu dire du noble Pelée. Quant à Néoptolème ton fils, je puis t'en parler comme tu me le demandes ; car c'est moi qui l'ai conduit dans un navire de Scyros au milieu des Achéens aux belles cnémides. Toutes les fois que nous tenions conseil sous les murs d'Ilion, il parlait toujours le premier et jamais il ne s'écartait de ce qu'il fallait dire[1]. Le divin Nestor et moi nous l'emportions seuls sur lui. Lorsque nous combattions avec l'airain dans les plaines de Troie, jamais il ne restait confondu dans la foule des soldats ; mais il les précédait tous, et par son courage il ne le cédait à personne. Néoptolème, ton fils, tua de nombreux ennemis au sein de l'ardente mêlée. Je ne pourrais point te dire les noms de tous ceux qu'il renversa dans la poussière en combattant pour les Argiens ; mais je te nommerai seulement le fils de Thélèphe, le héros Eurypyle qu'il frappa de son glaive : autour de ce guerrier troyen périrent de nombreux Cétéens venus pour épouser des femmes troyennes[2]. Eurypyle était après le divin

  1. Pour l'explication de ce passage nous avons suivi la traduction de Dubner, et nous nous sommes écarté des interprétations données par MM. Theil et Hallez-d'Arros et par tous les traducteurs français.
  2. Le texte porte : γυναίων εἵνεκα δώρων (vers 521) (à cause des dons féminins).