Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/243

Cette page n’a pas encore été corrigée

que tu leur dérobais leurs bœufs et leurs riches troupeaux de brebis, et que tu combattais autour de leur ville pour t'emparer de leurs épouses ? »

» L'ombre d'Agamemnon me répond aussitôt :

«Noble fils de Laërte, ingénieux Ulysse, Neptune ne m'a point fait périr en excitant contre moi les horribles tempêtes. Des ennemis ne m'ont pas non plus frappé sur la terre. Mais Égisthe seul, qui méditait ma perte, m'a donné la mort, aidé par mon infâme épouse ! Il me fit venir dans son palais, m'offrit un somptueux festin et me tua comme ou tue les bœufs dans les étables ! Ainsi j'ai péri d'une mort ignominieuse ! Autour de moi tombèrent mes compagnons égorgés comme des sangliers aux blanches dents, qu'on immole soit pour les noces d'un homme opulent, soit pour ces repas où chacun apporte son tribut, soit enfin pour une fête splendide. — Ulysse, tu vis tomber jadis un grand nombre de héros morts en combattant ou dans les mêlées sanglantes ; mais tu aurais gémi plus profondément encore si tu nous avais vus étendus dans le palais au milieu des coupes remplies de vin et des tables chargées de mets, tandis que le plancher des salles était inondé de notre sang ! J'entendis la voix plaintive de la fille de Priam, Cassandre, que la perfide Clytemnestre tua auprès de moi. Quoique expirant, j'étendis les mains pour saisir un glaive ; l'odieuse Clytemnestre s'enfuit aussitôt, et elle ne voulut point fermer avec ses mains les lèvres et les paupières d'un homme qui descendait dans les sombres demeures de Pluton ! — Non, il n'est rien de plus méchant ni de plus horrible qu'une femme qui conçoit en son âme de tels forfaits ! Clytemnestre a commis un crime exécrable en méditant la mort de l'époux qui l'aima si tendrement dans sa jeunesse ! Hélas, je pensais en rentrant dans ma demeure être reçu avec joie par mes enfants et par mes serviteurs ; mais ma perfide épouse a déshonoré sa mémoire, elle a fait rejaillir sa propre honte sur son sexe et même sur la femme la plus vertueuse ! »

» Je réponds à l'illustre Agamemnon :

« Jupiter poursuit toujours d'une haine implacable la race des Atrides à cause des perfidies de leurs épouses ! Que de héros ont