Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/224

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et poussent des gémissements qui font retentir la divine demeure. Alors Circé, la plus noble des déesses, me dit :

« Fils de Laërte, ingénieux Ulysse, et vous, braves guerriers, ne parlez plus de vos douleurs. Je sais tous les maux que vous avez supportés sur la mer poissonneuse, et toutes les souffrances que de cruels ennemis vous ont fait éprouver sur la terre. Maintenant prenez donc de ces mets et buvez de ce vin jusqu'à ce que vous ayez recouvré le courage qui vous animait lorsque, pour la première fois, vous abandonnâtes l'âpre Ithaque, votre chère patrie ! Vous êtes abattus et sans force ; vous songez toujours à vos pénibles voyages, et votre âme ne se livre pas à la joie parce que sans doute vous avez beaucoup souffert !

» Nous nous laissons persuader par la déesse, et nous restons en ces lieux une année entière, goûtant avec plaisir des mets abondants et savourant un vin délicieux. Mais lorsque, dans la marche du temps, l'année fut accomplie ; quand les mois eurent succédé les uns aux autres, et que les longues journées furent terminées, mes compagnons chéris m'appelèrent et me dirent :

« Malheureux, ressouviens-toi de ta patrie, puisque les dieux ont résolu de te sauver et de te ramener dans les lieux chéris de ta naissance ! »

» J'écoutai favorablement leurs paroles, et durant le jour nous mangeâmes encore avec délices des viandes succulentes et nous bûmes joyeusement un nectar délectable. Quand le soleil eut terminé sa course et que les ténèbres se furent répandues sur la terre, mes braves et fidèles compagnons s'endormirent au milieu du sombre palais.

» Je monte aussitôt sur la magnifique couche de la divine Circé, j'embrasse ses genoux ; et la déesse consent à écouter ces rapides paroles :

« Circé, lui dis-je, daigne accomplir la promesse que tu m'as faite : renvoie-moi dans mes foyers. Tel est mon seul désir et celui de mes braves compagnons, qui sans cesse déchirent mon cœur par leurs gémissements quand tu t'éloignes de nous! »

» La plus noble des déesses me répond aussitôt :

« Généreux fils de Laërte, ingénieux Ulysse, toi et tes guer-