Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/220

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« Va maintenant dans l'étable rejoindre tes autres compagnons ! »

» À peine a-t-elle prononcé ces mots que je tire mon glaive aigu et que je me précipite sur la déesse comme si je voulais la tuer. Soudain Circé poussant un grand cri se baisse, embrasse mes genoux, et m'adresse ces paroles entrecoupées par les sanglots :

« Qui donc es-tu ? Quelle est ta ville et quels sont tes parents ? Je suis vraiment frappée de surprise, car tu as bu ce philtre sans en être charmé. Cependant nul homme jusqu'à ce jour n'a pu résister aux effets de ce breuvage, soit qu'il l'ait pris, soit même qu'il l'ait approché de ses lèvres (tu portes dans dans ta poitrine un cœur indomptable ?). Serais-tu cet ingénieux Ulysse qui devait venir dans cette île à son retour d'Ilion, comme me l'avait annoncé Mercure, le dieu au sceptre d'or ? Eh bien donc, remets ton glaive dans le fourreau, et partageons la même couche. Unissons-nous enfin et chassons la défiance de nos âmes. »

» Je réponds aussitôt à la déesse :

« Circé, comment oses-tu m'ordonner de calmer ma colère ! Tu as changé mes compagnons en porcs, et maintenant tu veux que je reste dans ta demeure, que je partage ta couche pour m'enlever à la fois mes forces et mon courage lorsque tu m'auras désarmé ! Non, je ne veux point m'unir à toi, déesse perfide, à moins que tu ne me jures de ne point méditer contre moi quelque mauvais dessein.

» À ces mots elle me fait le serment que je lui demande, et je consens alors à partager la belle couche de la divine Circé[1].

» Quatre nymphes résident dans ce palais et servent la déesse avec zèle : elles sont filles des fontaines, des forêts et des fleuves qui se précipitent dans la mer. L'une d'elles étend sur des sièges de superbes tapis de pourpre et les recouvre encore d'un riche tissu de lin ; une autre dresse devant les sièges des tables d'argent sur lesquelles elle place des corbeilles d'or ; la troisième mêle

  1. L'auteur de la Théogonie dit que de cette union naquit un fils nomme Latinus. Dugas-Montbel fait observer à ce sujet que cet auteur est le seul qui donne ce nom au fils d'Ulysse et de Circé. Hygiuius l'appelle Télégonus, et il ajoute que Telégonus tua son père sans le connaître.