Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/213

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à cette vue ils sont saisis d'horreur. Soudain cette femme fait venir de la place publique le célèbre Antiphate, son époux, qui médite la mort de mes braves compagnons. Il en saisit un, et le prépare pour son repas ; les deux autres s'enfuient en toute hâte pour regagner la flotte. Mais Antiphate pousse de grands cris, et aussitôt les vigoureux Lestrygons, qui ressemblent non à des hommes, mais à des géants, accourent en foule de toutes parts. Ces peuples, du haut des montagnes, jettent d'énormes pierres ; et du sein de notre flotte s'élève un affreux tumulte causé par les gémissements de nos rameurs et par le fracas de nos navires brisés. Les Lestrygons percent mes guerriers comme de faibles poissons, et ils les emportent pour leurs barbares festins. Tandis que ces géants massacrent mes compagnons dans l'intérieur du port, moi je tire mon glaive aigu et je coupe les câbles de mon navire. Soudain, excitant les guerriers, je leur ordonne de se courber sur les rames pour échapper au malheur. Tous alors, craignant la mort, rament avec vitesse. Mon navire trouve enfin son salut au milieu des mers, loin de ces roches élevées. Mais tous nos autres vaisseaux périrent dans le port.



» Nous recommençons à naviguer, contents d'avoir échappé au trépas, mais affligés d'avoir perdu nos compagnons chéris. Bientôt nous arrivons à l'île d'Éa, où habite Circé à la belle chevelure ; Circé, vénérable déesse à la voix mélodieuse : Circé, sœur du puissant Éétès. — Circé et Éétès naquirent tous deux du Soleil, qui donne la lumière aux hommes, et de Persée, fille de l'Océan. — Nous conduisons en silence notre navire dans un port commode : et sans doute un dieu nous guidait alors ! Nous descendons à terre et nous restons en ces lieux pendant deux jours et deux nuits, le corps accablé de fatigue et l'âme navrée de douleur. Lorsque le troisième jour est ramené par la brillante Aurore, je m'arme d'un javelot et d'un glaive aigu, je m'éloigne de mon navire, et je monte sur un rocher pour découvrir quelques vestiges humains, ou entendre la voix de quelque mortel. Je m'arrête au sommet de cette montagne et j'aperçois la fumée qui s'élevait du sein de la terre, dans le palais de Circé, à travers les arbres touffus de la forêt. Ma première pensée fut de me rendre