Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/210

Cette page n’a pas encore été corrigée

hâtons-nous ; voyons l'or et l'argent que renferme cette outre. »

» C'est ainsi qu'en parlant ils se laissent entraîner par ces funestes pensées ! Aussitôt ils délient l'outre, et tous les vents s'en échappent à la fois. Soudain la tempête nous rejette, malgré nos gémissements, au milieu de l'Océan, loin des terres de la patrie ! Éveillé tout à coup, je délibère eu moi-même si je ne me précipiterai point dans la mer pour y chercher la mort, ou si je resterai parmi les vivants en supportant avec calme ce nouveau malheur. Je consens encore à souffrir et à rester sur le vaisseau. Je m'enveloppe et je me jette sur le tillac. Les vents impétueux repoussent ma flotte vers les côtes de l'île d'Éolie, et, à la vue de ce rivage, mes compagnons sont accablés de chagrin. »

» Nous descendons à terre pour y puiser une onde pure, et bientôt mes guerriers prennent le repas auprès des navires. Quand nous avons apaisé la faim et la soif, je me rends, suivi d'un héraut et d'un rameur, au célèbre palais d'Éole. Nous trouvons le roi se livrant aux charmes du festin avec son épouse et ses enfants chéris. Arrivés dans la salle, nous nous asseyons sur le seuil de la porte ; les convives, frappés d'étonnement, nous adressent aussitôt ces questions :

« Ulysse, d'où viens-tu ? Quelle divinité funeste te poursuit donc encore ? Cependant nous avons préparé avec soin, et nous t'avons donné tout ce qu'il te fallait pour ton départ, afin que tu puisses revoir ta patrie, ton palais et tous les lieux qui te sont agréables)[1]. »

» À ces paroles je leur réponds, le cœur navré de douleur :

« Hélas ! mes compagnons imprudents et le perfide sommeil m'ont trahi ! Mais vous, amis, secourez-moi, puisque vous en avez le pouvoir ! »

» Ainsi, je tâche de les fléchir par de douces paroles ; mais tous les convives restent muets. Éole seul me parle en ces termes :

  1. Dugas-Montbel n'a pas compris ce passage : καὶ εἴ πού τοι φίλον ἐστίν (vers 66) (si ailleurs il te plait d'aller), en le rendant par : retrouver tout ce qui vous est cher. Clarke et Dubner traduisent très bien cette phrase par : et sicubi tibi gratum sit. Voss dit correctement : und wohin dir's beliebte (et parfont où il te plaît d’aller)