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ou une doloire rougies par le feu pour les tremper (car la trempe constitue la force du fer[1]), et que ces instruments frémissent à grand bruit : de même siffle l'œil du Cyclope percé par le pieu brûlant. Le monstre pousse des hurlements affreux qui font retentir la caverne ; et nous, saisis de frayeur, nous nous mettons à fuir. Le Cyclope arrache de son œil ce pieu souillé de sang, et dans sa fureur il le jette au loin. Aussitôt il appelle à grands cris les autres Cyclopes qui habitent les grottes voisines sur des montagnes exposées aux vents. Les géants, en entendant la voix de Polyphème, accourent de tous côtés ; ils entourent sa caverne et lui demandent en ces termes la cause de son affliction :



« Pourquoi pousser de tristes clameurs pendant la nuit divine et nous arracher au sommeil ? Quelqu'un parmi les mortels t'au-

  1. Au moment où nous livrions ce neuvième livre à l'impression, nous avons reçu communication d'un savant et intéressant Mémoire manuscrit adressé à l'Académie, et ayant pour titre : Observations adressées par l'auteur des Découvertes de la Troade à MM. les membres de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, touchant des erreurs très graves qui se perpétuent dans les traductions d'Homère. L'auteur de ce Mémoire, M. Mauduit, correspondant de l'Institut, prouve, par des passages tirés d'Hésiode, de Pausanias, de Pline, de Proclus etc., et d'après les expériences faites sur les armes des anciens par les célèbres chimistes Mongez et d'Arcet, que, dans les temps homériques, les armes offensives ou défensives (à l'exception de quelques flèches et d'une massue), n'étaient ni en fer ni en acier, mais bien en cuivre ou en airain Cette découverte est sans aucun doute de la plus haute importance, et nous avons tout lieu de croire que MM. les membres de l'Académie l'accueilleront comme elle doit l'être. Dans ce Mémoire M. Mauduit établit assez positivement que, dans les poèmes d'Homère, le mot χαλκὸς signifie cuivre ou airain, et le mot σίδηρος fer ; ensuite il prouve que dans l'âge héroïque on ne connaissait point encore le fer, ou que si l'on faisait usage du minerai de ce métal, on ne savait pas encore l'extraire convenablement ou en tirer parti, et que nommément alors il ne servait point à la fabrication des armes. Nous voudrions pouvoir citer ici les judicieuses réflexions de M. Mauduit et les curieuses observations de Mongez et de M. d'Arcet à ce sujet ; mais, à notre grand regret, l'espace nous en empêche. Seulement, pour remercier M. Mauduit de ses découvertes, nous traduirons désormais χαλκὸς par cuivre et σίδηρος par fer. Nous désirons vivement que, dans l'intérêt de la science historique, les hellénistes français et étrangers suivent notre exemple.