Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/174

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« Étranger, tout ce que tu viens de dire nous plaît. Tu veux montrer ta force (car tu es indigné des outrages que cet homme vient de t'adresser) ; maintenant qu'aucun mortel sachant au fond de l'âme parler avec justice ne conteste ta valeur. Noble voyageur, écoute mes paroles afin que tu puisses les redire à d'autres héros lorsque, rentré dans ton palais et assis pendant le repas auprès de ton épouse et de tes enfants, tu te souviendras de nos actions courageuses et de notre adresse : dons précieux que nous reçûmes, nous et nos ancêtres, du puissant Jupiter. Étranger, nous ne brillons point au combat du pugilat ni à la lutte ; mais nous sommes agiles à la course et nous excellons à diriger les vaisseaux. Nous aimons les somptueux festins, les sons mélodieux de la lyre, les chœurs des danses, les parures nouvelles, les douces chaleurs du bain et les plaisirs de l'amour ! — Allons, jeunes Phéaciens, vous les plus habiles danseurs de cette île, commencez les jeux, pour que cet étranger, de retour dans sa patrie, puisse dire à ses amis combien nous l'emportons sur tous les autres peuples dans l'art de naviguer, de courir, de danser et de chanter ; puis hâtez-vous d'apporter la lyre harmonieuse qui est restée suspendue dans une des salles du palais. »

Ainsi parle le divin Alcinoüs. Aussitôt un héraut s'éloigne pour prendre dans la royale demeure la lyre creuse et bruyante[1]. Alors se lèvent neuf ordonnateurs choisis par le peuple ; ils disposent tout pour les jeux ; ils aplanissent le sol de la lice et donnent plus d'espace à la magnifique arène. Le héraut, de retour, remet à Démodocus sa lyre sonore, et le chantre se place au milieu de l'assemblée : autour de lui se tiennent de jeunes hommes dans la fleur de l'âge et les plus célèbres danseurs ; bientôt de leurs pieds ils frappent en cadence l'arène divine, et Ulysse contemple avec surprise et admiration l'éblouissante rapidité de ces mouvements.

Démodocus fait vibrer les cordes de sa lyre et il chante les

  1. Le texte grec suivi par Clarke porte : φόρμιγγα γλαφυρὴν (vers 257) ; mais, dans celui de Dubner, il y a φόρμιγγα γλαφυρὴν (lyre creuse). Nous avons suivi ce dernier texte comme étant préférable à celui qui a été adopté par Clarke. — Voss, dans sa traduction allemande, sans tenir compte de cette correction, s'est contenté d'imiter Clarke.