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vers le rivage ; quand ils y sont arrivés, ils lancent à la mer un sombre navire ; ils dressent le mât, apportent les voiles, passent les rames dans les anneaux de cuir et disposent tout selon l'usage ; puis ils déploient les blanches voiles. Ces jeunes rameurs conduisent le navire dans les plaines humides, et ils reviennent ensuite au palais du sage Alcinoüs. Les cours, les portiques et les salles sont remplis d'hommes (les jeunes gens et les vieillards y sont en foule). Alcinoüs immole douze brebis, égorge huit porcs aux dents blanches et aiguës, et assomme deux bœufs à la marche pénible. Aussitôt on dépouille les victimes, et l'on prépare avec soin un délicieux festin.

En ce moment un héraut conduit le chantre bien-aimé qu'une muse chérit : cette déesse l'accabla de maux et le combla de présents, elle le priva de la lumière et lui donna la voix la plus mélodieuse. Pontonoüs place devant le chantre un siège enrichi de clous d'argent ; il l'appuie contre une haute colonne et fait asseoir Démodocus au milieu des convives. Le héraut suspend à une cheville, au-dessus de la tête du chanteur, la lyre harmonieuse et bruyante, et il lui montre comment il pourra la saisir avec la main. Il lui apporte encore une corbeille qu'il dépose sur une table magnifique, et il lui donne une coupe remplie de vin. Alors tous les convives étendent leurs mains vers les mets qu'on leur a servis et ils commencent le repas. Quand ils ont apaisé la faim et la soif, une muse excite Démodocus à célébrer la gloire des héros par un chant dont la renommée était déjà montée jusqu'aux cieux : ce chant est la querelle d'Ulysse. — Le fils de Laërte échange de dures paroles avec Achille pendant le repas des dieux ; Agamemnon, roi des hommes, se réjouit au fond du cœur en écoutant les illustres chefs achéens lutter par des propos offensants, car il voit dans cette querelle l'accomplissement des prophéties que lui avait faites le brillant Apollon dans la divine Pytho lorsque, franchissant le seuil du temple, il alla consulter l'oracle de Delphes : d'après la volonté du puissant Jupiter, des maux sans nombre vont assaillir les Grecs et les Troyens[1].

  1. Agamemnon avant d'entreprendre la guerre contre les Troyens,