Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/165

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En parlant ainsi, la déesse émeut le cœur du peuple. Bientôt toutes les places, tous les sièges sont occupés des hommes qui s'empressent d'accourir ; et chacun contemple avec admiration le prudent fils de Laërte. Minerve, qui avait répandu une grâce divine sur la tête et sur les épaules du héros, le fait paraître plus majestueux et plus fort : elle voulait qu'il obtînt l'affection des Phéaciens, qu'il leur semblât respectable et terrible, et qu'il triomphât dans tous les jeux où ces peuples devaient éprouver son courage et son adresse. Quand ils sont assemblés, Alcinoüs leur parle en ces termes :

« Écoutez-moi, princes et chefs des Phéaciens. Cet étranger, que je ne connais point, est venu dans ma demeure après avoir erré longtemps sur les flots ; j'ignore s'il vient de visiter les peuples de l'Occident ou de l'Orient, mais il demande à quitter cette île ; il nous supplie de le ramener heureusement dans sa chère patrie : ainsi agissons selon notre coutume, et servons-lui de guides. Jamais aucun étranger, même dans ma demeure, n'eut longtemps à gémir en attendant son départ. — Lancez donc à la mer un de nos meilleurs navires sombres[1] ; choisissez parmi le peuple cinquante-deux jeunes gens, ceux qui se sont toujours montrés les plus habiles ; puis, lorsque vous aurez attaché les rames sur les bancs du vaisseau, venez dans mon palais pour y apprêter promptement le splendide repas que je veux vous offrir : tels sont les ordres que je donne aux plus jeunes. Quant à vous, princes décorés du sceptre, venez dans mes riches demeures afin que nous recevions dignement et avec amitié ce noble voyageur ; qu'aucun de vous ne refuse de s'y rendre. Appelez aussi le divin Démodocus, ce chantre à qui les dieux donnèrent la voix pour nous charmer par de tendres accents. »

À ces mots Alcinoüs se lève et sort de l'assemblée : les princes suivent ses pas, et un héraut se rend auprès du divin chanteur. Selon l'ordre du roi, les cinquante-deux jeunes gens se dirigent

  1. Homère dit : νῆα μέλαιναν πρωτόπλοον (vers 34/35) (navire sombre et neuf). Nous avons traduit, le mot πρωτόπλοος ; par meilleur. Voss dit : von den neusten (des plus neufs), Pope ainsi que les traducteurs français passent l'épithète sous silence.