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Puissent-ils te donner un époux, une famille, et faire régner parmi vous l'heureuse concorde ! Non, il n'est point de bonheur plus grand, de bonheur plus désirable que celui de deux époux gouvernant leur maison animés par une seule et même pensée. Cette union fait le désespoir de leurs ennemis, la joie de leurs amis ; et les époux eux-mêmes sentent tout le prix de ce bonheur[1]! »

« Étranger, tu n'es pas un homme vulgaire ni privé de raison. — Jupiter, le roi de l'Olympe, distribue comme il lui plaît la félicité à tous les mortels, aux bons comme aux mauvais : c'est lui qui t'a envoyé ces malheurs, et il faut, toi, que tu les supportes. — Mais, puisque tu es dans cette île, tu ne manqueras ni de vêtements, ni de tous les secours que l'on doit aux malheureux voyageurs qui viennent implorer notre pitié. Je t'enseignerai le chemin de la ville et je te dirai le nom du peuple qui l'habite. Les Phéaciens possèdent ce pays, et moi je suis la fille du magnanime Alcinoüs qui gouverne le royaume de ces peuples puissants. »

  1. Nous avons rendu ce passage : μάλιστα δέ τ᾽ ἔκλυον αὐτοί (vers 185) par : et ils sentent eux-mêmes tout le prix de ce bonheur. Madame Dacier et Dugas-Montbel se sont tous deux écartés du véritable sens en disant, la première : « union qui est pour eux un trésor de gloire et de réputation » et le second : « eux surtout obtiennent une grande renommée. » Ce dernier auteur ajoute dans une note (Observat. sur l'Odyssée, chant VI, p. 100) qu'il avait d'abord traduit ce passage par : « eux seuls connaissent toute leur félicité » en suivant le sens indiqué par les scoliastes, qui rendent cette phrase par : eux seuls connaissent et jouissent de ce mutuel avantage, ou bien de leur mutuelle bienveillance ; mais plus tard, s'appuyant sur l'autorité d'Eustathe et sur celle de M. Boissonade, il pensa, avec ce dernier auteur, que μάλα κλύω correspondant à l'expression latine benè audire, bien entendre, être loué, il fallait traduire ce passage par : ils obtiennent, une bonne renommée. Avant d'aller plus loin, remarquons que cette analogie n'est point fondée ; car μάλιστα étant le superlatif de μάλα (fort beaucoup), n’a aucun rapport avec les mots prœclarè et optimè, mais signifie tout simplement maximè. Ainsi Dugas-Montbel a donc eu tort de dire que Barnès et Clarke avaient mal rendu la phrase grecque par : maxime vero sentiunt et ipsi, tandis qu'à tort il voulait, lui, qu'on la traduisît par : prœclarè audiunt et ipsi. D'ailleurs Dubner s'est entièrement conformé au texte de Clarke ; et Voss traduit ce passage par : und mehr noch geniessen sie selber (et eux-mêmes en jouissent encore davantage).