Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/142

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sait ses beaux genoux.

Aussitôt il lui adresse ce discours insinuant et flatteur :



« Je t'implore, ô reine, que tu sois ou déesse ou mortelle ! Si tu es une des divinités de l'Olympe, je ne puis mieux te comparer qu'à Diane, fille du puissant Jupiter, et par ta taille, ta beauté et les traits de ton visage. Si au contraire tu appartiens à la race des mortels, habitants de la terre, ô heureux, trois fois heureux ton père chéri, ta mère vénérable et tes frères bien aimés ; car ils doivent être ravis lorsqu'ils te contemplent, toi si jeune et si belle, traversant avec grâce les groupes des danseurs ! Mais le plus heureux de tous, c'est celui qui, t'offrant le cadeau des fiançailles, te conduira dans sa demeure ! Non, jamais je n'aperçus de mes propres yeux un être semblable à toi, ni parmi les hommes, ni parmi les femmes : à ton aspect je suis saisi d'admiration.

— Dans la ville de Délos, près de l'autel d'Apollon, je vis jadis s'élever dans les airs une tige nouvelle du célèbre et majestueux palmier (car autrefois je visitai cette île accompagné d'un peuple nombreux, et ce voyage fut pour moi la source de bien des maux) ; mais ainsi qu'à la vue de cet arbre, le plus beau de tous ceux qui croissent sur la terre, je restai, pendant longtemps, muet de surprise : de même, ô jeune fille, je t'admire avec étonnement et je crains même d'embrasser tes genoux. Cependant une grande douleur m'accable. Après vingt jours de souffrances, hier seulement j'échappai aux flots de la mer ténébreuse. Jusqu'alors je fus constamment poussé par les vagues impétueuses et par les violentes tempêtes loin de l'île d'Ogygie. Maintenant un dieu m'a jeté sur ce rivage, où peut-être vais-je éprouver de nouvelles infortunes ; je ne pense point qu'elles doivent cesser bientôt : les immortels me réservent sans doute encore de nombreux tourments.

Mais, ô reine, prends pitié de moi, puisque c'est toi que j'ai vue la première, et que je ne connais aucun des hommes qui habitent ces villes et ces contrées. Montre-moi le chemin de la cité et donne-moi quelques lambeaux de toile pour couvrir mon corps, si toutefois en venant ici tu as apporté les enveloppes de tes riches vêtements. Puissent les dieux t'accorder, ô jeune fille, tout ce que désire ton cœur !