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pailles desséchées qu'il disperse de toutes parts : ainsi les longues poutres du radeau d'Ulysse sont jetées ça et là sur les flots. Le héros s'élance sur une de ces poutres, il la dirige comme un coursier, et il quitte les lourds vêtements que lui avait donnés la divine Calypso. Puis il place le voile de Leucothée sur sa poitrine , étend ses bras, se précipite dans la mer, et nage avec ardeur. — Mais le puissant Neptune, l'apercevant, agite aussitôt sa tête immortelle et dit :

« Erre maintenant en proie à de nombreuses souffrances, au milieu des flots, jusqu'au moment où tu te trouveras parmi les Phéaciens issus de Jupiter. Mais alors j'espère que tu n'oublieras point tes malheurs. »

En disant ces mots, Neptune frappe ses coursiers à la belle crinière, et il se dirige vers la ville d'Aiguës, où sont placés ses magnifiques palais.

Cependant Minerve, la fille de Jupiter, conçoit un autre dessein. Elle arrête le cours impétueux des vents, et leur ordonne à tous de se calmer et de s'assoupir. La déesse excite le rapide Borée, et elle brise devant Ulysse les flots de la mer pour que ce héros, échappé aux Parques et à la mort, puisse gagner les rivages des Phéaciens, de ces peuples qui se plaisent à naviguer.

Durant deux jours et deux nuits entières Ulysse erre sur les vagues épaisses, en songeant souvent au trépas. Mais dès que la déesse Aurore à la belle chevelure amène le troisième jour, le vent s'apaise et les flots deviennent calmes. Le héros, porté par les vagues immenses, jette au loin ses regards pénétrants, et il aperçoit tout près de lui la terre des Phéaciens. De même que des enfants voient avec plaisir leur père, qui, malade d'abord, se consumait lentement en souffrant de cruelles douleurs, parce qu'une divinité hostile le poursuivait sans cesse ; mais qui, enfin, à la grande joie de tous, est délivré de ses maux par les dieux eux-mêmes : de même Ulysse voit avec transport apparaître à ses yeux la terre et les forêts. Il nage avec ardeur, et de ses pieds il s'efforce de gagner la rive ; mais lorsqu'il en est assez près pour que sa voix puisse être entendue, son oreille est frappée par le bruit des flots qui se brisent contre les roches : des vagues