Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/126

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dépose dans le navire deux outres, l'une remplie d'un vin aux sombres couleurs, l'autre, plus grande, remplie d'eau ; dans une corbeille elle renferme les provisions du voyage ; elle y place d'autres mets qui réjouissent le cœur, et elle envoie au fils de Laërte un souffle doux et propice. Le divin Ulysse, joyeux, ouvre les voiles de son radeau à ce vent favorable ; assis près du gouvernail, il se dirige avec habileté, et le sommeil ne ferme point ses paupières. Sans cesse il contemple les Pléiades, le Bouvier qui se couche lentement, la Grande-Ourse qu'on appelle aussi le Chariot, et qui tourne sur elle-même en regardant Orion, et la seule de toutes les constellations qui ne se baigne point dans les flots de l'Océan. — L'auguste Calypso lui avait recommandé de naviguer en laissant toujours les étoiles à sa gauche. — Pendant dix-sept jours il vogue sur les flots de la mer, et le dix-huitième jour il aperçoit les montagnes ombragées d'arbres du pays des Phéaciens. Ces montagnes, qui étaient les plus voisines de l'île de Calypso, lui apparaissent comme un bouclier sur la mer ténébreuse.

Le puissant Neptune, revenant d'Éthiopie, aperçoit au loin, du haut des collines, Ulysse qui naviguait sur la mer. Aussitôt le dieu des eaux est enflammé de colère, et agitant sa tête il dit en son âme :

« Certes, les immortels ont changé le sort d'Ulysse pendant que j'étais au milieu du peuple d'Éthiopie. Déjà il touche à la terre des Phéaciens, qui doit être pour lui le terme de ses souffrances. Mais avant qu'il ait abordé je saurai bien lui susciter de nouveaux malheurs. »

En parlant ainsi, il rassemble les nuages, bouleverse les mers, et, prenant en main son trident redoutable, il déchaîne les tempêtes qui naissent de tous les vents opposés ; sous d'épais nuages il enveloppe à la fois et la terre et les eaux, et la nuit sombre descend des vastes régions célestes. Au même instant se précipitent avec fureur l'Eurus, le Notus, le violent Zéphyr, et le Borée glacial, soulevant et roulant des flots immenses. Alors Ulysse sent ses genoux s'affaisser et son cœur défaillir ; il pousse des gémissements et s'écrie :