Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/123

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En disant ces mots, elle s'éloigne avec rapidité, et Ulysse suit les pas de Calypso. La déesse et le héros atteignent bientôt la grotte profonde ; Ulysse se place sur le siège que venait de quitter Mercure ; la nymphe lui apporte des mets, afin qu'il mange et boive comme boivent et mangent les faibles mortels. Elle-même s'assied en face du divin Ulysse ; les suivantes offrent à la déesse le nectar et l'ambroisie ; et tous deux alors portent les mains aux mets qu'on leur a servis et préparés. Quand ils ont bu et mangé selon les désirs de leurs cœurs, Calypso, la plus noble des déesses, fait entendre ces paroles :

« Fils de Laërte, Ulysse issu de Jupiter, héros fertile en stratagèmes, tu veux donc maintenant retourner sans délai dans ta chère patrie ? Eh bien! sois heureux ! Mais si tu savais, au fond du cœur, tous les maux qui te sont réservés par le destin avant que tu te reposes dans tes foyers, alors, malgré ton désir de revoir l'épouse que tu regrettes sans cesse, tu resterais volontiers en ces lieux et tu deviendrais immortel ! — Certes, je me glorifie de n'être point au-dessous de Pénélope, ni par ma taille, ni par les traits de mon visage. Comment, en effet, ces femmes mortelles oseraient-elles le disputer aux déesses et par la grâce et par la beauté ? »

Le prudent Ulysse lui répond en ces termes :

« Auguste déesse, ne t'irrite point de ce que je vais te dire. Je sais bien que la chaste Pénélope est au-dessous de toi et par l'élégance de sa taille, et par la beauté de son visage ; car Pénélope est une faible femme et toi tu es une déesse immortelle, exempte de vieillesse. Cependant je désire chaque jour revoir mon palais et ma terre natale ! — Que les dieux me poursuivent encore sur la mer ténébreuse, je suis prêt à tout supporter ; car ma poitrine renferme un cœur endurci aux souffrances. J'ai déjà essuyé bien des malheurs et enduré bien des fatigues sur les flots et dans les guerres : maintenant advienne ce qu'il pourra[1]

Ainsi parle Ulysse. — Le soleil se couche et les ténèbres se

  1. Le texte grec porte : μετὰ καὶ τόδε τοῖσι γενέσθω (vers 224) que les versions latines ont rendu par : post illa et hoc quoque fiat.