Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/120

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présentés par la divine Calypso. Quand il a terminé le repas et ranimé ses forces, il fait entendre ces paroles :

« Tu me demandes, ô déesse, quel projet amène un dieu dans ton île ? Je te répondrai sans détour, puisque tu me l'ordonnes. Jupiter m'envoie ici malgré moi : qui oserait en effet traverser volontairement ces eaux immenses et salées ?.... Là, ne s'élève aucune ville où les mortels offrent aux dieux de pompeux sacrifices et d'illustres hécatombes. Tu sais que nul parmi les habitants de l'Olympe ne voudrait enfreindre la volonté puissante du dieu qui tient l'égide, ni même s'y soustraire. Le fils de Saturne dit que tu retiens près de toi le plus infortuné de tous les héros, de tous ceux qui, pendant neuf ans, combattirent autour de la ville de Priam, et qui, dans la dixième année, après avoir détruit cette ville, retournèrent dans leur patrie. Ces guerriers avaient offensé Minerve, et celle-ci souleva contre eux les tempêtes et les vagues immenses (tous les braves compagnons d'Ulysse perdirent la vie ; lui seul, poussé par les vents et par les flots, fut jeté sur ce rivage). Jupiter t'ordonne de renvoyer promptement ce héros dans sa patrie ; car il ne doit point mourir loin de ceux qui l'aiment. La destinée d'Ulysse est qu'il revoie ses amis, sa patrie et ses demeures élevées. »

Il s'arrête ; et tout à coup frémit Calypso, la plus noble des déesses. Cependant elle adresse à Mercure ces rapides paroles :

« Immortels, que vous êtes jaloux et injustes ! Vous enviez à une déesse le bonheur de partager la couche d'un homme qu'elle s'est choisi pour époux ! Ainsi, lorsqu'Aurore aux doigts de rose enleva le héros Orion, les dieux fortunés le poursuivirent de leur jalousie jusqu'à ce que Diane, la chaste déesse au trône d'or, l'eût percé, dans l'île d'Ortygie, de ses flèches rapides[1]. Ainsi, lorsque Cérés à la belle chevelure, obéissant aux désirs de son cœur, s'unit d'amour avec Jasion dans un champ que la charrue avait sillonné trois fois, Jupiter, instruit de cette union, lança contre Jasion sa foudre étincelante et le tua.

  1. Le texte porte: ἀγανοῖς βελέεσσιν (vers 124) (de ses flèches douces); parce que les traits des dieux paraissaient doux, tant ils étaient lancés avec rapidité.