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cesse que des injustices. Car nul ne se rappelle Ulysse, nul parmi ce peuple sur lequel il régna comme le père le plus tendre ! Maintenant ce roi malheureux gémit dans une île ; il souffre des douleurs amères dans la grotte profonde de la nymphe Calypso, qui le retient par force auprès d'elle. Ce héros ne peut retourner dans sa patrie ; il ne possède ni vaisseaux garnis de rames, ni compagnons pour le conduire sur le vaste dos de la mer. On médite encore le meurtre de Télémaque, quand il reviendra dans son palais ; car le fils chéri d'Ulysse, pour entendre parler de son père, est allé dans la sainte Pylos et dans la divine Lacédémone. »

« Ô ma fille, quelle parole s'est échappée de tes lèvres ? N'as-tu pas toi-même décidé qu'à son retour Ulysse se vengerait de ses ennemis ? Quant à Télémaque, conduis-le avec soin ( car tu en as la puissance), afin qu'il revienne sans danger sur sa terre natale, et que les prétendants s'en retournent sur leurs navire avant d'avoir accompli leur projet. »

Ainsi parle Jupiter, puis il dit à Mercure son fils bien-aimé :

« Toi qui fus toujours notre messager fidèle, cours dire à Calypso, nymphe à la belle chevelure, que ma ferme résolution est que le courageux Ulysse revienne dans sa patrie, et qu'il parte sans secours des hommes et des dieux. Ce héros, souffrant mille douleurs et abandonné seul sur un radeau joint par des liens nombreux, arrivera le vingtième jour dans la fertile Schérie, contrée des Phéaciens, peuples qui ressemblent aux dieux[1]). Les Phéaciens l'honoreront comme une divinité ; ils le conduiront dans sa chère patrie et lui donneront de l'or, de l'airain et des vêtements en plus grande abondance qu'Ulysse n'en eût rapporté d'Ilion s'il fût revenu sans malheur avec sa part des dépouilles. Le destin veut que ce héros revoie ses amis, sa patrie et ses demeures élevées. »

Il dit ; et aussitôt Mercure s'empresse d'obéir. Le messager attache à ses pieds de magnifiques et divins brodequins d'or qui le

  1. Le mot άγχίθεος (vers 35) (presque dieu) a été expliqué de deux manières ; les uns le traduisent par : qui approche des dieux ; les autres par : qui ressemble aux dieux. Les versions latines disent : qui propinqui diis sunt ; et Voss écrit gœtternahen ( qui approche des dieux).