Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/111

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dant que tu ne m'interrogeasses ou qu'un autre ne t'instruisît de son départ, de peur que les larmes ne flétrissent ton beau visage. Ainsi donc, ô Pénélope, baigne ton corps, couvre-le de vêtements sans souillure, et monte avec tes femmes dans les appartements supérieurs de ton palais. Là, invoque Pallas, la fille du dieu qui tient l'égide ; cette déesse veillera sur ton fils, et le sauvera même de la mort. Mais n'afflige point un vieillard déjà tant accablé. Je ne pense pas que la race d'Arcésius soit odieuse aux heureux immortels. Certes, un héros survivra pour régner dans ces palais élevés et sur ces contrées étendues et fertiles[1] ».

Ainsi parle Euryclée ; son discours calme les plaintes de Pénélope et sèche les larmes qui coulent des yeux de l'épouse d'Ulysse. — La reine se baigne, puis elle couvre son corps de vêtements sans souillure, et elle monte suivie de ses femmes dans les appartements supérieurs du palais. Là, Pénélope dépose l'orge sacrée dans une corbeille, et elle implore Minerve en ces termes :

« Fille invincible du dieu qui tient l'égide, exauce ma prière. Si jamais, dans ses demeures, Ulysse fertile en conseils brûla sur tes autels de grasses cuisses de taureaux et de brebis, garde-m'en aujourd'hui le souvenir et sauve mon fils chéri. Repousse aussi loin de moi, ô Minerve-Pallas, ces orgueilleux prétendants. »

Telle fut sa prière, et la déesse l'exauça. — Cependant les prétendants font retentir de leurs voix bruyantes les salles obscures du palais ; et l'un d'entre ces jeunes insolents disait :

« Sans doute la belle Pénélope, objet de nos désirs, fait les apprêts de son mariage, et elle ne sait pas que la mort menace son fils. »

C'est ainsi qu'il parlait ; car tous ils ignoraient ce qui venait de se passer. Alors Antinoüs leur dit :

  1. Dugas-Montbel a fait ici un contre-sens en traduisant ces deux vers : ἀλλ᾽ ἔτι πού τις ἐπέσσεται ὅς κεν ἔχηισι δώματά θ᾽ ὑψερεφέα καὶ ἀπόπροθι πίονας ἀγρούς (vers 754/755) « Mais il sera là quelqu'un qui aura les demeures élevées et les champs fertiles au loin, » par : « Quelque jour un héros viendra, celui qui possède ces superbes palais et ces champs fertiles. » Cet auteur a sans aucun doute confondu l'indicatif avec le subjonctif et l'optatif.