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arrive aussi vite et ça ne me coûte pas un radis ! Voilà la fortune !

Tenez ! Quand je me suis marié, ça s’est fait au moyen d’un journal que mon concierge m’avait prêté, je lis qu’une femme riche cherche un époux ; je dis : "voilà mon affaire ! " Je vais voir la femme : elle était borgne. J’ai été enchanté ! Je me suis dit : "Si elle n’a qu’un œil, c’est qu’elle doit être économe ! " Eh bien ! Pas du tout ! Elle m’a déjà donné dix enfants ! C’est comme cela qu’elle comprend l’économie !

D’ailleurs ils sont tous borgnes comme elle ! Aussi, moi qui suis économe, comme ils n’y voient que d’un œil… je leur ai fait mettre un bandeau dessus, comme ça, je suis certain qu’ils ne l’abîmeront pas ! Ils n’y voient plus ; mais, au moins, ils ne seront jamais aveugles. Non, voyez-vous, pour être vraiment père, il faut avoir des enfants !

Enfin, ce qu’il y a de clair, c’est que je ne suis pas un gaspilleur, moi ! Tenez ! L’an dernier, on m’envoie une terrine de foie gras… elle a duré deux mois ! tous les soirs, à table, on se mettait autour, et l’on respirait le parfum ! C’était exquis. Au bout de quinze jours, elle commençait à moisir… nous l’avons grattée avec un couteau. Enfin au bout de deux mois, il n’y avait plus moyen ! Elle était si mauvaise que nous l’avons mangée ! Que voulez-vous ? Nous ne savions plus qu’en faire !

Eh bien ! oui ! C’est plus fort que moi ! Je ne comprend pas qu’on gâche ! Ainsi, j’ai un parent ! Il me met au désespoir, il dépense pour dépenser. Tenez ! Il avait un chien qu’il adorait ! Qu’est-il arrivé ? Il l’a tant bourré qu’il est mort, le chien !… et lui aussi, d’ailleurs ; ils sont morts tous les deux ! Eh bien ! moi, mon chien… il se portait