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d’autant plus qu’ils ne pouvaient entrer par la porte d’autrui sans courir danger de mort.

« Ils pensèrent qu’il valait mieux en trouver une qui, de visage et de manières, plût à tous les deux, et qui satisfît à leurs besoins communs, sans qu’ils eussent jamais à être jaloux l’un de l’autre, « Et pourquoi — disait le roi — veux-tu qu’il me déplaise de t’avoir pour compagnon plutôt qu’un autre ? Je sais bien que, dans tout le grand troupeau féminin, il n’y en a pas une qui se contente d’un seul homme.

« Jouissons donc en toute liberté de la même femme à nous deux, sans outrepasser nos forces, et quand le besoin de nature nous y invitera. Nous n’aurons jamais ni contestations, ni dispute, et quant à elle, je ne crois pas qu’elle doive se plaindre, car si les autres avaient deux maris, elles leur seraient plus fidèles qu’à un seul, et l’on n’aurait pas tant de reproches à leur adresser. ».

« Le jeune Romain parut très satisfait de ce qu’avait dit le roi. C’est pourquoi, s’étant arrêtés à cette résolution, ils cherchèrent longtemps à travers monts et plaines. Ils trouvèrent enfin une jeune fille à leur convenance. C’était la fille d’un hôtelier espagnol, qui tenait une hôtellerie dans le port de Valence. Elle était gracieuse de manières, et de belle prestance.

« Sa tendre et verte jeunesse était encore à la fleur de son printemps. Le père était chargé de nombreux enfants, et ennemi mortel de la pau-