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le lui firent reconnaître, sans qu’il pût conserver le moindre doute, pour son destrier Frontalet qui jadis lui était si cher, et pour lequel il avait eu à soutenir autrefois mille querelles. Plus tard, ce destrier lui ayant été volé, il en fut tellement affligé que, pendant longtemps, il ne voulut plus aller qu’à pied.

Brunel le lui avait volé devant Albracà, le même jour où il déroba l’anneau à Angélique, le cor et Balisarde à Roland, et l’épée à Marphise. Le même Brunel, de retour en Afrique, avait donné Balisarde et le cheval à Roger, qui avait appelé ce dernier du nom de Frontin.

Quand le roi de Circassie eut reconnu qu’il ne se trompait pas, il se retourna vers le roi d’Alger et lui dit : « Sache, seigneur, que c’est là mon cheval. Il m’a été volé à Albracà. Je ne manquerais pas dé témoins pour le prouver, mais comme ils sont tous fort loin, si quelqu’un le nie, je suis prêt à soutenir, les armes à la main, la vérité de mes paroles.

« Je suis très content, puisqu’en ces derniers jours nous avons été compagnons d’armes, de te prêter aujourd’hui ce cheval, car je vois bien que tu ne pourrais rien faire sans lui, à condition cependant que tu reconnaîtras par traité qu’il est à moi et que je te l’ai prêté. Autrement, ne pense pas l’avoir ; à moins de combattre sur-le-champ avec moi pour sa possession. »

Rodomont, qui ne connut jamais de chevalier plus orgueilleux que lui dans le métier des armes,