Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/54

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que ni l’un ni l’autre vous ne seriez capables de m’empêcher de me servir de la bonne épée, ou de cette noble devise. »

Et, poussé par la colère, il s’avance le poing fermé vers le roi de Séricane et lui frappe si rudement la main droite, qu’il lui fait lâcher Durandal. Gradasse, ne s’attendant pas à une telle audace, à une telle folie, est si surpris, qu’il reste tout interdit, et que la bonne épée lui est enlevée.

À un tel affront, son visage s’allume de vergogne et de colère ; on dirait qu’il jette du feu. L’injure lui est d’autant plus sensible, qu’elle lui est faite dans un lieu si public. Affamé de vengeance, il recule d’un pas pour tirer son cimeterre. Mandricard a une telle confiance en lui-même, qu’il défie aussi Roger au combat.

« Venez donc tous deux ensemble, et que Rodomont vienne faire le troisième ; viennent l’Afrique, l’Espagne et toute la race humaine ; je ne suis pas homme à baisser jamais le front. » Ainsi disant, il fait tournoyer l’épée d’AImonte, assure son écu à son bras, et se dresse, dédaigneux et fier, en face de Gradasse et du brave Roger.

« Laisse-moi — disait Gradasse — le soin de guérir celui-ci de sa folie. » « Pour Dieu — disait Roger — je ne te le laisse pas, car il faut que ce combat soit à moi. Toi, reste en arrière. » « Restes-y toi-même, — » criaient-ils tous deux à la fois, ne voulant point se céder le pas. Cependant la bataille s’engagea entre les trois adversaires, et elle aurait abouti à un terrible carnage,