Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/36

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Avec une seule parole, le frère de Vivian fait entrer un des anges de Minos dans le paisible coursier qui porte sur son dos la fille du roi Stordilan, et celui-ci, qui jamais auparavant ne s’était emporté, et qui avait toujours obéi à la main, fait soudain un saut de trente pieds de long et de seize pieds de haut.

Le saut fut grand, mais non cependant de nature à faire vider la selle à la cavalière. Quand elle se vit en l’air, la donzelle, se tenant pour morte, se mit à crier de toutes ses forces. Le roussin, après ce saut énorme, partit emporté par le diable, avec Doralice qui criait au secours, et d’une course si rapide, qu’une flèche ne l’aurait pas rejoint.

Aux premiers sons de cette voix, le fils d’Ulien quitte la bataille, et pique des deux derrière le palefroi qui s’enfuit furieux, afin de porter secours à la dame. Mandricard en fait autant, sans plus s’occuper de Roger et de Marphise. Sans leur demander ni paix ni trêve, il suit les traces de Rodomont et de Doralice.

Cependant Marphise s’était relevée de terre. Toute ardente d’indignation et de colère, elle croit qu’elle va se venger, mais elle est trompée dans son espoir ; elle aperçoit son ennemi trop loin d’elle. Roger, voyant la bataille se terminer de la sorte, pousse des soupirs qui ressemblent au rugissement d’un lion. Tous deux savent bien qu’avec leurs chevaux ils ne peuvent rejoindre Frontin et Bride-d’Or.

Roger ne veut point lâcher prise avant que ne