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« Si j’ai usé de courtoisie envers les autres, je n’en veux point faire de même avec toi, Marphise, car je te tiens pour aussi lâche qu’orgueilleuse. » À ces paroles, on aurait entendu Marphise frémir comme un vent marin sur un écueil. Elle crie, mais sa rage est telle, qu’elle ne peut exprimer ce qu’elle veut répondre.

Elle fait tournoyer son épée, sans s’inquiéter si la pointe va frapper Bradamante, ou le ventre, ou le poitrail du destrier. Mais Bradamante détourne son cheval avec la bride, et en même temps, saisie d’indignation et de colère, la fille d’Aymon abaisse sa lance. À peine Marphise est-elle touchée, qu’elle tombe à la renverse sur l’arène.

À peine est-elle à terre, qu’elle se redresse, cherchant à faire male œuvre de son épée. De nouveau Bradamante abaisse sa lance, et de nouveau Marphise est terrassée. Quelque forte que fût Bradamante, elle n’était pas cependant si supérieure à Marphise qu’elle l’eût renversée ainsi à chaque coup, n’eût été la vertu de la lance enchantée.

Pendant ce temps, quelques chevaliers du camp chrétien étaient venus à l’endroit où se livrait la joute, et qui était situé à égale distance des deux camps, lesquels se trouvaient à peine à un mille et demi l’un de l’autre. Ils admiraient la vaillance déployée par un des leurs, car ils ne le connaissaient pas autrement que pour être un chevalier de leur nation.

Le généreux fils de Trojan, les voyant s’approcher des remparts, ne voulut pas se trouver sur-