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Astolphe vécut longtemps avec sagesse, mais qu’une faute qu’il commit par la suite lui enleva de nouveau la cervelle.

Astolphe prit la fiole vaste et pleine où était le bon sens qui devait rendre la sagesse au comte. Elle lui parut moins légère qu’il l’aurait cru, étant plus grande que les autres. Avant que le paladin quittât cette sphère pleine de lumière, pour descendre dans une sphère plus basse, il fut conduit par le saint Apôtre dans un palais situé sur le bord d’un fleuve.

Chaque pièce de ce palais était remplie de pelotons de lin, de soie, de coton, de laine, teints de couleurs variées, éclatantes ou sombres. Dans la première pièce, une vieille femme dévidait tous ces fils, ainsi que l’on voit pendant l’été la paysanne tirer de sa quenouille la soie nouvelle humectée d’eau.

Le peloton dévidé, une seconde vieille le portait ailleurs et en remettait un autre. Une troisième choisissait les fils et séparait les beaux d’avec les autres. « À quel travail se livrent-elles là ? dit Astolphe à Jean ; je ne le comprends pas. » Jean lui répondit : « Les vieilles sont les trois Parques, qui sur de telles trames filent la vie des mortels.

« Tant que dure un peloton, la vie humaine dure, et pas un moment de plus. La Mort et la Nature ont les yeux fixés sur lui, pour savoir l’heure où chacun doit mourir. Les fils qui ont été choisis pour leur beauté par la troisième de ces vieilles, servent à faire les tissus dont est orné le paradis ;