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Le roi de Suède, qui s’avança le premier, fut aussi le premier jeté à terre, tellement fort fut le coup porté sur son casque par la lance qui ne fut jamais baissée en vain. Le roi de Gothie fournit la seconde course, et se retrouva en un clin d’œil, les jambes en l’air, loin de son destrier. Le troisième resta culbuté sens dessus dessous dans l’eau bourbeuse du fossé.

Après les avoir, en trois coups, fait voltiger les pieds en l’air et la tête en bas, Bradamante se dirige vers le château où elle doit recevoir l’hospitalité pendant la nuit ; mais, avant de lui livrer passage, elle trouve quelqu’un qui lui fait jurer qu’elle sortirait à chaque fois qu’elle serait appelée à jouter par de nouveaux arrivants. Le châtelain, qui a été témoin de sa vaillance, la reçoit avec grand honneur.

Il en est de même de la dame qui était venue le soir même en compagnie des trois chevaliers, envoyée, ainsi que je l’ai dit, de l’Ile Perdue en ambassade au roi de France. Elle se lève et, en femme gracieuse et affable qu’elle était, elle vient au-devant de Bradamante qui la salue courtoisement, la prend par la main, et la conduit près du feu.

Bradamante, commençant de se désarmer, avait déjà déposé son écu et retiré son casque, lorsqu’en ôtant ce dernier, elle fit tomber une coiffe d’or dans laquelle elle retenait à plat ses longs cheveux. Ceux-ci tombèrent épars le long de ses épaules qu’ils couvrirent entièrement, et la firent connaître pour une damoiselle aussi belle de visage que fière sous les armes.