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servir d’ornement à un riche sépulcre. Elle lui dit qu’elle avait vu Roland furieux se livrer en cet endroit à des actes horribles et terrifiants, et comment il avait jeté le païen dans le fleuve, au risque de s’y noyer lui-même.

Brandimart qui aimait le comte autant qu’on peut aimer un compagnon, un frère ou un fils, résolut d’aller à sa recherche et de ne reculer devant aucune fatigue, aucun danger, pour essayer de le guérir de sa fureur, soit avec le concours d’un médecin, soit à l’aide d’enchantements. Comme il se trouvait en selle, tout armé, il se mit sur-le-champ en route avec sa belle dame.

Tous deux se dirigèrent vers le lieu où la dame avait vu le comte. De journée en journée, ils arrivèrent au pont que gardait le roi d’Alger. La sentinelle avertit Rodomont dont les écuyers apprêtèrent aussitôt les armes et le cheval, et qui se trouva tout prêt à combattre quand Brandimart voulut tenter le passage.

D’un ton qui dénotait sa fureur, le Sarrasin cria à Brandimart : « Qui que tu sois, toi qu’une erreur de chemin ou ta propre folie amène ici, descends de cheval et dépouille-toi de tes armes, et fais-en hommage à ce grand sépulcre, avant que je ne te tue et que je ne t’offre comme victime expiatoire aux ombres qu’il renferme. Si tu refuses, je te tuerai tout de même, et je ne t’en aurai aucun gré. »

Brandimart ne voulut pas répondre à cette sommation altière autrement qu’avec la lance. Il