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qu’enfin elle appartenait actuellement à Gradasse.

Renaud ne cesse de gémir et de se lamenter sur une aussi étrange et aussi malheureuse aventure. Il sent son cœur s’attendrir à ce récit, comme la glace fond au soleil. Il prend en lui-même la résolution immuable de chercher Roland où qu’il soit. Il espère, quand il l’aura retrouvé, qu’il pourra le guérir de cette rage.

Mais comme, soit volonté du ciel soit hasard, il a pu réunir une troupe de chevaliers illustres, il veut tout d’abord mettre les Sarrasins en fuite, et délivrer les remparts de Paris. Toutefois il lui paraît avantageux de différer l’attaque jusqu’à ce que la nuit soit devenue tout à fait obscure, entre la troisième et la quatrième vigile, alors que l’eau du Léthé aura répandu le sommeil sur la terre.

Il logea les siens au milieu d’un bois, et les y laissa reposer pendant tout le jour. Mais quand le soleil, laissant le monde plongé dans les ténèbres, fut retourné vers son antique nourrice, et que les ourses, le capricorne, les serpents et les autres bêtes, qui jusque-là s’étaient tenues cachées à cause de la lumière trop éclatante du jour, eurent illuminé le ciel, Renaud fit avancer sa troupe taciturne.

Accompagné de Griffon, d’Aquilant, de Vivien, d’AIard, de Guidon, de Sansonnet et des autres, il marche à pas mesurés, et sans prononcer une parole, pendant un mille, jusqu’à ce qu’il rencontre l’avant-garde d’Agramant, qu’il trouve endormie. Il tue tout, sans faire un prisonnier. De