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courtois chevalier, pour que ce dernier accepte son invitation ; ils s’en vont donc ensemble à l’endroit où le pennon de Montauban s’était arrêté en un lieu sûr. Renaud, cependant, ôtant des mains de son écuyer un beau cheval, bien harnaché et bon pour le combat à la lance et à l’épée, en a fait don au chevalier.

C’est alors que le guerrier étranger apprit qu’il marchait à côté de Renaud, car, avant d’arriver à la tente, celui-ci s’était, par hasard, nommé lui-même. Et comme ils étaient frères, il se sentit le cœur doucement remué d’une pieuse affection, et se mit à pleurer de joie et de tendresse.

Ce guerrier était Guidon le sauvage, qui, en compagnie de Marphise, de Sansonnet et des fils d’Olivier, avait naguère longtemps voyagé sur mer, comme je vous l’ai dit. Le félon Pinabel, en le faisant prisonnier et en le retenant ensuite conformément à la honteuse loi qu’il avait établie, l’avait empêché de revoir plus tôt sa famille.

Guidon, en apprenant que c’était là ce Renaud, fameux parmi tous les chevaliers, et qu’il avait toujours plus désiré voir qu’un aveugle ne désire recouvrer la lumière du jour qu’il a perdue, s’écria plein de joie : « Ô mon seigneur, quelle fatalité m’a conduit à vous combattre, vous que depuis longtemps j’aime et j’honore par-dessus tout en ce monde !

« Constance me donna le jour sur les rivages extrêmes du pont Euxin. Je suis Guidon, conçu, comme vous, de l’illustre semence du généreux