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celle pour qui Roger en vain soupire et qu’il réclame en vain.

J’ai à vous parler des tourments amoureux que Bradamante eut à souffrir dans l’attente de son amant. Hippalque, de retour à Montauban, lui avait apporté des nouvelles de celui qu’elle désirait tant. Elle lui raconta d’abord ce qui lui était arrivé avec Rodomont, au sujet de Frontin ; puis elle lui parla de Roger, qu’elle avait trouvé près de la fontaine avec Richardet et les frères d’Aigremont. Elle lui dit qu’il était parti avec elle dans l’espoir de retrouver le Sarrasin et de le punir d’avoir enlevé à une dame son cheval Frontin, mais qu’il n’avait pu accomplir son dessein, parce qu’il avait pris un autre chemin que Rodomont ; elle lui expliqua ensuite la raison pour laquelle Roger n’était pas venu à Montauban.

Elle lui rapporta de point en point les paroles que Roger l’avait chargée de transmettre pour s’excuser. Enfin, tirant la lettre de son sein, elle la lui donna. D’un air plus troublé que calme, Bradamante prit la lettre et la lut. Cette lettre lui aurait été bien plus agréable, si elle n’avait pas nourri l’espoir de voir arriver Roger lui-même.

Avoir attendu Roger, et, à sa place, être obligée de se contenter d’un message, voilà ce qui troublait son beau visage de crainte, de douleur et de dépit. Elle baisa dix et dix fois la lettre, reportant sa pensée vers celui qui l’avait écrite. Les larmes dont elle l’arrosa empêchèrent seules qu’elle ne la brûlât de ses soupirs ardents.