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que ce n’est pas sa faute si l’épée ne frappe point du tranchant.

Si Balisarde était retombée droit sur le casque d’Hector, c’est en vain qu’il eût été enchanté. Mandricard fut si étourdi sous le coup, qu’il laissa échapper les brides de sa main. Il inclina trois fois la tête, pendant que Bride-d’Or, que vous connaissez de nom, encore tout ennuyé d’avoir changé de maître, courait tout autour de la lice.

Le serpent foulé sous les pieds, ou le lion blessé, n’ont jamais éprouvé une colère, une fureur semblable à celle du Tartare, quand il revint de l’étourdissement où l’avait plongé ce coup d’épée. Sa force et sa vaillance croissent en raison de sa colère et de son orgueil. Il fait faire à Bride-d’Or un bond prodigieux, et revient sur Roger l’épée haute.

Il se lève sur ses étriers et dirige le coup sur le casque de son adversaire et vous croiriez cette fois qu’il va le fendre jusqu’à la poitrine. Mais Roger est plus agile que lui ; avant que le bras du Tartare soit redescendu pour frapper, il lui plonge son épée sous l’aisselle droite, s’ouvrant un passage à travers la cotte de mailles qui la protège.

Il retire Balisarde ruisselante d’un sang tiède et vermeil, amortissant ainsi le coup porté par Durandal. Cependant bien qu’il ait ployé la tête jusque sur la croupe de son cheval, la douleur lui fait froncer les sourcils, et s’il avait eu un casque de moins bonne trempe, il se serait souvenu à jamais de ce coup formidable.