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les pieds pendant qu’il s’efforçait de grimper, et, écartant les bras autant que faire se put, il le fendit en deux morceaux,

De la’ même façon qu’on écartèle un héron ou un poulet, lorsqu’on veut donner leurs entrailles en pâture au faucon ou au vautour. L’autre, qui avait risqué de se casser le cou, put se vanter d’avoir échappé à une belle mort ! Il le raconta dans la suite comme un vrai miracle, et ce récit vint aux oreilles de Turpin qui l’écrivit à notre intention.

Roland fit encore beaucoup d’autres choses étonnantes en traversant la montagne. Enfin, après avoir longtemps erré, il descendit, du côté du midi, sur la terre d’Espagne. Il prit la route qui longe la mer dont les flots baignent les rivages de l’Aragon, et, sous l’influence de la folie qui le poussait, il songea à se creuser une tanière dans le sable,

Afin de se garantir du soleil. Il s’enfouit dans le sable aride et léger, et il y était à moitié caché, lorsque survinrent par hasard Angélique la belle et son mari qui descendaient, comme je vous l’ai raconté plus haut, des monts Pyrénées sur le rivage espagnol. Elle arriva à moins d’une brassée du comte sans l’avoir encore aperçu.

Que ce fût là Roland, elle ne pouvait le penser, tellement il différait de ce qu’il était d’habitude. Depuis que cette fureur le possédait, il était toujours allé nu, à l’ombre et au soleil. S’il était né dans les champs de Sienne, dans les pays où les