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force prodigieuse dont personne au monde, à quelques rares exceptions près, n’aurait pu se défendre, se laissa tomber à la renverse, du haut du pont, avec le païen qu’il tenait embrassé ; tous deux tombèrent dans le fleuve et allèrent jusqu’au fond. L’onde rejaillit en l’air et le rivage en gémit.

L’eau les fit sur-le-champ se séparer. Roland est nu, et nage comme un poisson. Des bras et des pieds il fait si bien qu’il regagne le rivage. À peine hors de l’eau, il se met à courir, sans s’arrêter à regarder en arrière, et sans s’inquiéter s’il s’expose au blâme ou à l’éloge. Mais le païen, empêché par ses armes, revient plus lentement et avec plus de peine au rivage.

Pendant la lutte, Fleur-de-Lys avait, en toute sécurité, traversé le pont et la rivière. Elle avait visité le sépulcre dans ses moindres recoins, pour voir s’il n’y avait pas trace du passage de son Brandimart. N’y voyant ni ses armes ni ses vêtements, elle espère le retrouver ailleurs. Mais retournons au comte qui laisse derrière lui tour, fleuve et pont.

Ce serait folie à moi que de promettre de vous raconter une à une les folies de Roland. Il en commit tant et tant, que je ne saurais comment en finir. Mais j’en choisirai quelques-unes des plus éclatantes et dignes d’être citées dans mes vers, et qui me paraissent nécessaires à mon histoire. Je ne tairai point, entre autres l’aventure merveilleuse qui lui arriva dans les Pyrénées, au-dessus de Toulouse.