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et jour, sans avoir pu jamais se retrouver, sinon ici.

Maintenant qu’il la voit près de lui, et qu’il apprend qu’elle seule a été sa libératrice, son cœur est plein d’une telle joie, qu’il se déclare le plus fortuné des hommes. Ils descendent de la montagne dans ce vallon où la dame avait été victorieuse, et où ils trouvent encore l’hippogriffe, ayant au flanc l’écu, mais recouvert.

La dame va pour le prendre par la bride, et lui l’attend jusqu’à ce qu’elle soit à ses côtés. Puis, il déploie les ailes par l’air serein, et se repose non loin de là à mi-côte. Elle le poursuit, et lui, ni plus ni moins que la première fois, s’élève dans les airs et ne se laisse pas trop approcher. Ainsi fait la corneille sur le sable aride, qui, derrière les chiens, deçà delà voltige.

Roger, Gradasse, Sacripant et tous ces chevaliers qui étaient descendus ensemble, en haut, en bas, se sont postés aux endroits où ils espèrent que le cheval volant reviendra. Celui-ci, après qu’il a entraîné tous les autres à plusieurs reprises sur les plus hautes cimes et dans les bas-fonds humides, à travers les rochers, s’arrête à la fin près de Roger.

Et cela fut l’œuvre du vieux Atlante, qui n’abandonne pas le pieux désir de soustraire Roger au grand péril qui le menace. À cela seul il pense, et de cela seul il se tourmente. C’est pourquoi, afin de l’enlever d’Europe par cet artifice, il lui envoie l’hippogriffe. Roger le saisit et pense le tirer après