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S’il l’eût su, il- aurait fait pour la délivrer autant d’efforts qu’il en fit en ce jour devant Paris.

Mille échelles sont en même temps appliquées aux murs. Elles peuvent tenir deux hommes sur chaque gradin. Ceux qui viennent les seconds poussent ceux qui grimpent les premiers, car les troisièmes les font eux-mêmes monter malgré eux. Les uns se défendent avec courage, les autres par peur. Il faut que tous entrent dans le gué, car quiconque reste en arrière est tué ou blessé par le roi d’Alger, le cruel Rodomont.

Chacun s’efforce donc d’atteindre le sommet des remparts, au milieu du feu et des ruines. Tous cherchent à passer par où le chemin est le moins dangereux. Seul Rodomont dédaigne de suivre une autre voie que la moins sûre. Dans les cas désespérés et difficiles, les autres adressent leurs vœux au ciel, et lui, il blasphème contre Dieu.

Il était armé d’une épaisse et solide cuirasse faite avec la peau écailleuse d’un dragon. Cette cuirasse avait déjà entouré les reins et la poitrine de celui de ses aïeux qui édifia Babel et entreprit de chasser Dieu de sa demeure céleste, et de lui enlever le gouvernement de l’univers. Son casque, son écu, ainsi que son épée, ont été faits dans la perfection et pour cette occasion.

Rodomont, non moins indompté, superbe et colère que le fut jadis Nemrod, n’aurait pas hésité à escalader le ciel, même de nuit, s’il en avait trouvé le chemin. Il ne s’arrête pas à regarder si les murailles sont entières ou si la brèche