Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/324

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parole, auquel il doit faire sa première commission.

Il cherche à se rappeler les lieux où il habite, et où il a coutume de séjourner. Enfin toutes ses pensées le portent à croire qu’il le trouvera parmi les religieux et les moines enfermés dans les églises et dans les monastères. Là, en effet, les discours sont tellement interdits, que le mot silence est écrit sur la porte de l’endroit où l’on chante les psaumes, où l’on dort, où l’on mange, et finalement à l’entrée de toutes les cellules.

Croyant le trouver là, il agite plus vivement ses ailes dorées. Il pense y trouver aussi la Paix, le Repos et la Charité. Mais à peine a-t-il pénétré dans un cloître, qu’il est bien vite détrompé. Ce n’est pas là qu’est le Silence ; on lui dit qu’il n’y habite plus, et que son nom seul y reste inscrit.

Il n’y voit non plus ni la Piété, ni le Repos, ni l’Humilité, ni l’Amour Divin, ni la Paix. Ils y furent autrefois, il est vrai, dans les temps antiques. Mais ils en ont été chassés par la Gourmandise, l’Avarice, la Colère, l’Orgueil, l’Envie, la Paresse et la Cruauté. L’ange s’étonne d’une chose si insolite. Et comme il regarde plus attentivement cette troupe abrutie, il voit que la Discorde est aussi avec elle ;

La Discorde vers laquelle le père Éternel lui avait ordonné d’aller, après qu’il aurait trouvé le Silence. Il avait pensé qu’il lui faudrait prendre le chemin de l’Averne, car il croyait qu’elle se tenait parmi les damnés, et voilà — qui le croirait ! —