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d’Espagne. Mandricard saute sur lui tout armé et s’en va, galopant à travers la plaine. Il jure de ne point revenir parmi les escadrons sarrasins, avant d’avoir trouvé le champion aux armes noires.

Il rencontra bientôt plusieurs des gens échappés des mains de Roland, encore tout dolents de la perte, qui d’un fils, qui d’un frère immolés à leurs yeux. La tristesse et la lâcheté de leur âme se voyaient encore peintes sur leur figure blême ; encore sous le coup de la peur qu’ils avaient eue, ils fuyaient, pâles, muets, affolés.

Après un court chemin, Mandricard arriva à un endroit où il eut sous les yeux un cruel et sanglant spectacle, mais un éclatant témoignage des merveilleuses prouesses racontées en présence du roi d’Afrique. Il voit de toutes parts des morts ; il les retourne et mesure leurs blessures, mû par une étrange jalousie contre le chevalier qui avait mis tous ces gens à mort.

De même que le loup ou le mâtin, arrivés les derniers près du bœuf laissé mort par les paysans, ne trouvent plus que les cornes, les os et les pieds, le reste ayant été dévoré par les oiseaux et les chiens affamés, et considèrent avec dépit le crâne où rien ne peut se manger ; ainsi faisait le cruel Barbare sur ce champ de carnage ; il blasphémait de colère, et montrait un vif dépit d’être venu si tard à un si copieux festin.

Ce jour, et la moitié du suivant, il s’avança au hasard à la recherche du chevalier noir, dont il