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t’avertis que ce n’est qu’une fausse semblance de Roger que tu verras t’appeler à son aide. Ne te laisse pas tromper, mais, dès qu’il s’avancera vers toi, arrache-lui son indigne vie. Ne crois pas que par là tu donneras la mort à Roger, mais bien à celui qui te cause tant d’ennuis.

« Il te semblera dur, je le reconnais, de tuer quelqu’un qui ressemble à Roger ; mais n’ajoute point foi à tes yeux auxquels l’enchanteur cachera la vérité. Prends une ferme résolution, avant que je te conduise dans le bois, afin de n’en pas changer ensuite, car tu resteras pour toujours séparée de Roger, si, par faibiesse, tu laisses la vie au magicien. »

La vaillante jouvencelle, bien décidée à tuer cet artisan de fraudes, est prompte à revêtir ses armes et à suivre Mélisse, car elle sait combien elle lui est dévouée. Celle-ci, tantôt à travers les champs cultivés, tantôt à travers la forêt, la conduit rapidement à grandes journées, cherchant par ses paroles réconfortantes à lui alléger l’ennui de la route.

En dehors des beaux raisonnements qu’elle lui tenait, elle lui rappelait surtout et le plus souvent possible les glorieux princes et les demi-dieux qui devaient descendre d’elle et de Roger. Comme Mélisse connaissait tous les secrets des dieux éternels, elle savait prédire toutes les choses qui devaient arriver dans la suite des siècles.

« Ah ! ma prudente conductrice — disait à la magicienne l’illustre damoiselle — tu m’as fait con-