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Ainsi parlait la gente damoiselle, et souvent les sanglots et les soupirs interrompaient sa voix angélique, de façon à émouvoir de pitié les serpents et les tigres. Pendant qu’elle renouvelait ainsi sa douleur, ou calmait peut-être ses tourments, une vingtaine d’hommes armés d’épieux et de haches entrèrent dans la caverne.

Celui qui paraissait le premier entre eux, homme au visage farouche, n’avait qu’un œil dont s’échappait un regard louche et sombre. L’autre œil lui avait été crevé d’un coup qui lui avait coupé le nez et la mâchoire. En voyant le chevalier assis dans la grotte à côté de la belle jeune fille, il se tourna vers ses compagnons et dit : « Voici un nouvel oiseau, auquel je n’ai pas tendu de filet et que j’y trouve tout pris. »

Puis il dit au comte : « Jamais je n’ai vu d’homme plus complaisant et plus opportun que toi. Je ne sais si tu as deviné ou si tu as entendu dire à quelqu’un que je désirais beaucoup posséder de si belles armes, des vêtements bruns aussi agréables. Tu es vraiment venu à propos ppur satisfaire mes besoins. »

Roland, remis sur pied, sourit d’un air railleur et répondit au brigand : « Je te vendrai les armes à un prix qui ne trouve pas communément de marchand. » Et tirant du foyer, qui était près de lui, un tison enflammé et tout fumant, il en frappa le malandrin à l’endroit où les sourcils touchent au nez.

Le tison atteignit les deux paupières et causa un